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du déploiement de force musculaire qu’exigent certaines opérations, surtout celle qu’on appelle l’entamage. Un produit tiré de la même plante réclame des manipulations plus compliquées, je veux parler de la garancine, dans laquelle on est parvenu à concentrer sous un moindre volume, au moyen d’une saturation d’acide sulfurique, la propriété tinctoriale renfermée dans les alizaris. Datant à peine de vingt-cinq ans, cette fabrication a ouvert une ère nouvelle dans l’histoire de la garance. Malgré certains avantages qu’on attribue encore à la poudre primitive, la garancine a pris un immense essor[1].

Les manufactures de garance sont en activité durant sept à huit mois seulement chaque année, à partir de la mi-octobre. Les travailleurs qu’elles emploient, elles les empruntent à l’agriculture ; mais ce ne sont pas d’ordinaire les cultivateurs des plaines qui suivent leurs produits jusque dans les fabriques ; comme ils répugnent à ce travail, on est obligé d’aller dans les montagnes chercher des ouvriers qui consentent à quitter l’hiver leurs régions glacées, sauf à y remonter au temps de la moisson. Les ateliers marchent jour et nuit ; la tâche nocturne de chaque homme revient deux ou trois fois par semaine. Les ouvriers logent ou plutôt campent dans les fabriques, où ils sont toujours à la disposition de leurs chefs. Ils gagnent en moyenne une somme de 70 à 80 francs par mois, sur laquelle la moitié suffit à leurs besoins. Une campagne de sept mois peut donc leur valoir 250 à 280 francs d’économie. Le domaine de leur travail paraît assuré contre la concurrence intérieure et extérieure, grâce à l’excellente réputation dont jouissent les produits de cette contrée[2].

Les ouvriers employés dans les fabriques d’huile d’olive reçoivent, comme ceux de la garance, la matière première des mains des cultivateurs du pays. Les oliviers croissent sur presque tous les points de la Provence, tantôt petits et rabougris connue aux environs d’Aix, où ils sont fréquemment atteints par les gelées, tantôt élevés et touffus comme dans les tièdes campagnes de Toulon et de Grasse. C’est à Aix qu’on obtient les produits les plus renommés. Les fruits se cueillent au mois de septembre, alors qu’ils sont encore verts,

  1. En 1832, les ouvriers de Vaucluse qui fabrique 130,000 quintaux métriques de garance en poudre, et 75,000 de garancine. On s’occupe depuis quelque temps d’un produit intermédiaire appelé fleur de garance, qui figure pour 15,000 quintaux sur les états de la même année.
  2. La moitié de ces produits s’expédie en Angleterre et aux États-Unis ; l’autre moitié se consomme soit en France, soit en Suisse, en Allemagne, en Belgique, en Italie ou en Russie. Placée dans un sol convenable, la garance s’accommode des climats les plus divers. Depuis sa réussite dans le Vaucluse, on la cultive chez nous en Alsace et dans les départemens de la Drome et du Gard. On la trouve, au dehors, en Hollande, en Silésie, en Suisse, à Naples, dans le Levant, sur les bords de la Mer Caspienne, etc.