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l’Ecole des femmes et les Femmes savantes, sont conçus et composés d’après une tout autre méthode. Si Orgon et Clitandre, Alceste et Philinte, Arnolphe et Horace, Armande et Chrysalde, aiment à discourir, ils parlent comme des créatures mêlées à la vie commune, et ne procèdent jamais par syllogismes. C’est ce que M. Ponsard paraît avoir oublié. Il a cru ressusciter Molière en lui empruntant les formes de son langage, et n’a omis qu’un seul point, assez important, selon moi, l’invention poétique. Aussi son œuvre, dont plusieurs passages ont été très justement applaudis, n’est qu’une œuvre inanimée, et ne prendra pas rang dans l’histoire de la comédie. En présence de l’engouement public, nous avons gardé le silence; nous n’avons pas voulu troubler la joie du poète. Aujourd’hui le jour de la justice est venu; nos paroles, qui auraient semblé trop sévères il y a quelques mois, ne sont maintenant que l’écho de l’opinion générale. Si l’auteur de l’Honneur et l’Argent était assez imprudent, assez malavisé pour écrire une seconde comédie sans changer le moule de sa pensée, il saurait bientôt à quoi s’en tenir sur la portée réelle de ce premier succès.

Si la fable imaginée par M. Augier n’est pas précisément nouvelle, si elle rappelle tour à tour Florian et Marivaux, il faut avouer que l’auteur a su donner une sorte de jeunesse à des personnages connus depuis longtemps. Il a dépensé beaucoup d’esprit pour dire en vers souvent très bien tournés ce que nous avons déjà entendu mainte et mainte fois. Je rends pleine justice au talent vif et pimpant qu’il nous a montré dans Philiberte, mais la sympathie même que son talent m’inspire m’oblige à lui dire qu’il a complètement négligé le côté sérieux du sujet qu’il avait choisi. L’analyse du cœur tient trop peu de place dans sa comédie; n’était l’éclat, le charme du langage, on croirait assister à la représentation d’un proverbe de Carmontelle. Je veux bien saluer comme de vieilles connaissances le duc et le chevalier, je consens de grand cœur à leur serrer la main; pourquoi Philiberte a-t-elle déçu mes espérances ? Le spirituel babil de sa sœur ne m’empêche pas de remarquer combien l’auteur est demeuré loin de ce qu’il nous avait promis. J’attendais une étude tout à la fois délicate et profonde; comment pourrais-je me contenter d’une esquisse tracée à la hâte? La comédie de M. Augier, qui se passe à peu près tout entière dans le royaume de la fantaisie, qui ne peint ni les mœurs d’aujourd’hui, ni les mœurs d’aucune époque déterminée, soulève d’ailleurs une autre objection : le style manque absolument d’unité. Jamais l’auteur n’avait révélé aussi pleinement les qualités et les défauts de son esprit. Après avoir parlé le langage de la plus tendre élégie, il revient tout à coup à la vie familière par l’expression la plus crue. Ce mépris constant pour les nuances et les