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ici le général Florès, qui allait conquérir la république de l’Equateur. Ces états de l’Amérique du Sud, sauf le Chili, qui a bien eu sa petite révolution cet hiver, mais qui en somme continue à prospérer, sont tous livrés à des agitations et à des bouleversemens continuels. Voilà Rosas qui se fait-chasser de Buenos-Ayres. Un Français qui vient de Caracas m’apprend que les choses ne vont pas mieux dans l’état de la Nouvelle-Grenade. Il y a quelque temps, l’on a conspiré contre; le président : il devait être frappé pendant un repas. En effet, au dessert les épées ont été tirées; il s’est défendu et est parvenu à s’échapper. Depuis, on n’en a plus entendu parler; on ne sait ce qu’il est devenu. On est tranquille pour le moment à Caracas, capitale de l’état de Venezuela. C’est une agréable ville dans un charmant pays; là il s’est passé une chose assez singulière. Un zambo, c’est-à-dire un métis provenant du mélange du sang indien et du sang noir, nommé Paez, s’est trouvé le chef du parti aristocratique, et un homme appartenant à une ancienne famille du pays, Monagas, a chassé Paez; il gouverne maintenant au nom de la démocratie.


De Saint-Thomas aux Açores.

Comme Saint-Thomas est le point central des diverses lignes de bateaux à vapeur, à notre départ le bâtiment se trouve très au complet. Nous sommes maintenant, y compris l’équipage, environ deux cents personnes à bord. Vingt-trois enfans jouent sur le pont, où sont organisées des balançoires pour ces jeunes passagers. Le temps, qui avait été jusqu’ici merveilleusement beau, commence à se gâter un peu. La réunion des voyageurs est moins complète; beaucoup de dames ne paraissent plus. Cela est triste sans doute; mais le jour où tout le monde se porte bien, on ne sait comment trouver de la place à table, comment se faire servir et comment dîner. Nous avons eu à Saint-Thomas une irruption de Californiens venus par le bateau de Panama. Je les interroge sur cette cité naissante, ce monde primitif qui sort du chaos, sur cette ville de San-Francisco qui n’existait pas il y a quatre ans, et qui est maintenant une cité de cinquante mille âmes dont l’aspect est semblable à toutes les cités de l’Union. On me donne de curieux détails sur le comité de surveillance, sur ce pouvoir qui s’est formé comme naturellement et fait régner la justice dans une ville où les magistrats n’étaient ni assez purs ni assez forts pour l’établir. Les premiers négocians de la ville se sont, de par la nécessité, constitués en tribunal; ils ont fait arrêter les criminels, leur ont donné un avocat pour les défendre, un jury pour les juger; puis on a attaché une corde à un balcon, les membres du tribunal de surveillance ont paru sur le balcon, chacun a touché la corde