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l’Aragua, et, traversant maintes bourgades sur les pentes méridionales du Caucase, entre dans la Géorgie et va aboutir à Tiflis. L’autre route, tracée à l’extrémité opposée de la chaîne, va d’Astrakhan à Kilsjar, parcourt le territoire des Kumik ou-Koumouiks, longe quelque temps la mer Caspienne et s’arrête à la ville de Bakou. Ces deux routes, qui se déploient parallèlement, celle-ci dans la région orientale, celle-là dans la région occidentale du Caucase, sont reliées entre elles par un chemin couvert de forts qui s’étend de Jekaderinograd à Kilsjar. Ces deux villes forment ainsi le point central des communications de l’armée russe.

On voit par ce tableau que la chaîne du Caucase se divise en deux régions très distinctes, séparées par le défilé du Dariel. Les montagnes qui s’élèvent entre le Dariel et la Mer-Noire sont habitées par de nombreuses peuplades : les unes à peine connues, comme les Ubiches, hordes sauvages victorieusement retranchées derrière leurs abîmes; les autres réduites en ce moment à l’inaction, mais toutes prêtes à se soulever le premier jour où les exigences d’une autre guerre affaibliraient la ligne de forts qui les tient en respect; d’autres enfin, plus rapprochées de la plaine et accoutumées à des relations pacifiques avec la Russie. Ces peuplades, dont les plus importantes sont les Ubiches, les Ossètes, les Adighés, les Kabardiens et les Abschases, sont le plus souvent désignées sous le nom général de Tcherkesses ou Circassiens, quoique les Ubiches et les Ossètes parlent une langue toute différente et que les seuls Adighés soient proprement des Tcherkesses. — L’autre partie du Caucase, celle que baignent la mer Caspienne et le cours inférieur du Térek, est habitée par des peuplades plus nombreuses encore et plus sauvages. C’est là que sont les Ingusches, les Lesghes, les Kistes, les Kuniiks et surtout les Tchétchens, sous le nom desquels on confond souvent ces races diverses, dont les langues et les traditions religieuses attestent néanmoins des origines absolument contraires. Si le mot Tcherkesse sert à désigner les Caucasiens du versant de la Mer-Noire, — les Tchétchens, pour ceux qui veulent simplifier ces questions semées de détails sans fin, représentent les Caucasiens de la mer Caspienne. Or la situation de ces deux peuples ne se ressemble en aucune manière; il n’y a entre eux ni affinité de race, ni ressemblance d’idiome, ni alliance pour une cause commune. on parle toujours des Tcherkesses du Caucase; on croit que ce sont là les belliqueuses populations qui luttent aujourd’hui contre les Russes. En Russie même, cette méprise est populaire, et il est bien peu de personnes pour qui le sultan Shamyl ne soit pas le sultan des Tcherkesses. Shamyl a visité une fois les Tcherkesses, mais il n’était à leurs yeux qu’un hôte illustre. C’est le Daghestan qui est le théâtre de son action; ce