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puissans dont l’histoire ait gardé le souvenir : quand il a voulu croire, croire d’une foi entière et sans réserve aux vérités révélées, habitué qu’il était depuis longtemps au doute universel, sa volonté ferme et résolue n’a bas suffi pour asseoir sa foi sur une base inébranlable. Sa croyance, au lieu de ressembler à la soumission, avait tous les caractères du désespoir. Il avait beau s’agenouiller et prier avec ferveur, il gardait dans son humilité même un reste de colère contre l’impuissance de sa raison. C’est ce que M. Cousin démontre admirablement dans une langue élégante et pure, avec une richesse d’argumens qui ne permet pas aux partisans de l’ancien Pascal, c’est-à-dire du Pascal apocryphe, de relever la tête et de renouveler la discussion. Si j’avais un reproche à lui adresser, ce serait d’avoir multiplié les argumens outre mesure, d’avoir prodigué l’évidence. La moitié des preuves qu’il apporte suffirait et au-delà pour établir la vérité qu’il veut démontrer. Il ne se contente pas de combattre et de vaincre ses adversaires, il les accable, et ne s’arrête pas même lorsqu’ils sont terrassés ; il continue sa démonstration comme si tous les doutes n’étaient pas renversés, comme si toutes les objections n’étaient pas réfutées.

C’est un spectacle douloureux que l’âme de Pascal aux prises avec le pyrrhonisme. Il avait choisi comme un asile la négation de toute certitude, et lorsqu’il veut s’élever jusqu’à la science divine, la science humaine lui faisant défaut, il demeure attaché à la terre et s’épuise en efforts impuissans pour atteindre jusqu’à la vérité révélée. M. Cousin, en nous peignant les angoisses de cette âme à la fois malade et sublime, a rencontré des accens d’une véritable, éloquence. Non-seulement il défend avec énergie la cause de la philosophie ; il ne défend pas avec moins de bonheur et d’éclat la cause même de la religion, car il montre victorieusement qu’il n’y a pas de religion possible, de religion vraiment digne de ce nom, sans un peu de philosophie. Il va plus loin, et je me range à son avis : la foi est d’autant plus solide qu’elle est préparée par une étude plus approfondie de la conscience humaine. Arrivé à ce point de son argumentation, il trouve sous sa main des armés sans nombre ; il n’a qu’à fouiller dans les pensées de Pascal comme dans un arsenal inépuisable. Que dit en effet le pénitent de M. Singlin lorsqu’il met Dieu à pile ou face ? L’existence de Dieu ne vous est pas démontrée. Je ne trouve ni en moi ni hors de moi-même une preuve sans réplique, une preuve triomphante qui réduise le doute au silence, qui m’apaise et me console. Mais qu’ai-je à risquer ? En pariant contre Dieu, j’expose le salut de mon âme ; je parie donc pour Dieu, car en pariant pour lui, je gagnerai peut-être la béatitude éternelle. En récitant des prières, en plongeant ma main dans l’eau bénite, je m’abêtirai, je