Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait cinquante-sept ans; sa femme, plus âgée que lui, était malade. Sa fortune, toujours dérangée, lui commandait une vie d’économie, et le séjour de la France n’était pas pour lui sans attrait. Cependant cette philosophie subite ne s’expliquerait pas sans les revers de sa politique. On a vu que la majorité était manquée. Le roi était irrité contre lui. Il s’éloigna cette année même de lady Suffolk, parce qu’il apprit de sa fille, la princesse Amélie, qu’elle avait des entrevues avec Bolingbroke. À ces causes de découragement le public en ajouta d’autres, et les historiens ont admis ses suppositions. Une retraite si prompte et surtout si prolongée ne paraît pas naturelle. Bolingbroke, en effet, ne revint demeurer dans sa patrie qu’après la chute de Walpole, c’est-à-dire après sept années d’intervalle. A l’époque même de son départ (1735), des bruits divers couraient sur son compte, et ses amis concevaient de pénibles doutes. Swift, dans ses lettres, questionnait Pope, qui assurait que l’unique affaire de Bolingbroke était vacare litteris, reprochant au docteur de lui avoir supposé d’autres pensées, à Si une autre raison de sa conduite existait, dit Pope, il faudrait la taire; mais elle n’existe pas. «On a conclu de ces mots qu’elle existait. Par exemple, il pouvait se trouver gêné par des embarras d’argent qu’il n’osait avouer. Lui-même convient, en écrivant à Wyndham, qu’il a grand besoin de vendre Dawley, et Pulteney, dans une lettre à Swift, dit que si Bolingbroke avait voulu écouter leurs conseils d’économie, il serait encore en Angleterre (22 novembre 1735). Cependant il vendit bientôt Dawley 26,000 livres sterling à son entière satisfaction, et il ne revint pas sur-le-champ en Angleterre. Il a écrit lui-même, en 1746, à lord Marchmont : « Je n’ai quitté l’Angleterre, en 1735, que quand de certains plans qui étaient sur le métier, — quoiqu’ils n’aient jamais été mis à exécution, — eurent fait de moi quelqu’un de trop pour mes plus intimes amis. » On a voulu rattacher ces plans aux intérêts du prétendant. L’hypothèse est des moins plausibles. Aucun indice n’est donné d’un rapprochement qui, pour le sérieusement compromettre, aurait eu besoin d’arriver jusqu’au complot. D’où lui serait venue la démence de renouer avec un parti qu’il avait appris à bien connaître, auquel sa raison refusait toute confiance, à qui son cœur gardait une rancune profonde? On ajoute qu’il eut à se plaindre de ses amis et de ses alliés. Dans plus d’une lettre, il insinue que ses plans dépassaient l’énergie et la persévérance du parti qu’il avait formé. L’attaque de Walpole avait, dit-on, réveillé de vieux ressentimens et troublé les whigs qui s’étaient ligués avec les tories. Pulteney lui-même s’était trouvé trop engagé ; il avait reproché à Wyndham de se laisser trop facilement conduire par Bolingbroke, et conseillé à cet allié compromettant de quitter pour un temps l’Angleterre. L’amertume avec laquelle Bolingbroke par le dans ses lettres de ceux.