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II.

Le dernier volume publié par M. Cousin, Du Vrai, du Beau, du Bien, nous offre la réunion des leçons faites à la Sorbonne en 1818, mais sévèrement révisées et condensées, et de plus un chapitre entièrement nouveau sur l’art français au XVIIe siècle. Il n’entre pas dans mon dessein d’analyser et de discuter toutes les leçons rassemblées dans ce volume. La première et la troisième partie de ce livre, le vrai et le bien, sont du domaine de la philosophie pure, et je ne voudrais pas m’aventurer sur ce terrain périlleux. Il est très difficile d’y marcher d’un pas sûr, lors même qu’on s’est préparé à cette épreuve par des études spéciales. L’intelligence complète des problèmes délicats posés et résolus par M. Cousin ne donne pas le droit de contester les solutions qu’il présente. Il faudrait, pour entreprendre une pareille tâche, quelque chose de plus que l’intelligence même de ces problèmes, je veux dire le souvenir fidèle des solutions présentées par toutes les grandes écoles philosophiques. À cette condition, mais à cette condition seulement, il nous serait permis, sans nous exposer aux reproches de présomption et de témérité, d’émettre un avis personnel. En comparant l’état de la pensée humaine sur ces problèmes épineux aux différentes époques de l’histoire, nous aurions l’espérance de prononcer un jugement éclairé. Un rôle plus modeste est le seul qui nous convienne en parlant de la première et de la troisième partie : il faut nous contenter de les caractériser sommairement.

Les leçons sur le vrai, le beau et le bien, publiées pour la première fois en 1838 par M. Adolphe Garnier, aujourd’hui professeur à la Faculté des lettres de Paris, avec autorisation de l’auteur, étaient au nombre de trente-huit ; M. Cousin, en les relisant pour les réimprimer, a compris la nécessité de les présenter sous une forme plus concise. Plusieurs développemens, qui lui avaient paru utiles en 1818 devant l’auditoire de la Sorbonne, lui ont semblé inutiles pour le lecteur, et il les a supprimés sans regret : c’est une preuve de discernement que je loue sans réserve, bien qu’il n’ait jamais rien dit, rien écrit à la légère, il ne s’est pas cru obligé de respecter comme définitive la première forme de sa pensée. Dans le temps où nous vivons, cet exemple de modestie littéraire mérite d’être cité, car parmi les écrivains les plus accrédités de nos jours, il y en a bien peu qui prennent au sérieux et mettent en pratique le conseil donné par l’ami des Pison, il y en a bien peu qui consentent à effacer ce qu’ils ont écrit pour chercher une expression plus transparente et plus précise. M. Cousin a eu le courage de remettre sur le métier les pages écrites depuis trente-cinq ans. Il n’a pas mutilé sa pensée, il n’a rien