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Le chapitre consacré par M. Cousin à l’histoire de l’art français au XVIIe siècle nous est un moyen sûr d’éprouver la valeur des principes exposés par lui dans les chapitres précédens. Ses idées générales, prises en elles-mêmes, me semblent très justes ; je crois seulement qu’il n’a pas suivi une méthode parfaitement rationnelle dans la recherche des principes esthétiques. Si au lieu d’aller de la conscience humaine au monde extérieur il eût suivi une méthode inverse, et fût parti de l’observation du monde extérieur pour arriver à l’étude des phénomènes de la conscience, à l’analyse de l’impression reçue par l’âme humaine en présence du spectacle de la nature, j’ai lieu de croire qu’il ne se fût pas mépris comme il l’a fait en parlant d’une époque déterminée. J’ai rendu pleine justice à la sagacité qu’il a montrée dans la détermination des facultés qui perçoivent la beauté ; j’ai accepté comme vrais les élémens de la beauté tels qu’il les définit dans le monde extérieur, dans le monde intellectuel et dans le monde moral ; je comprends comme lui la mission générale de l’art. Si mon avis n’est pas le sien sur quelques points de détail, si je suis obligé de combattre et de nier sa théorie de l’architecture, j’accepte cependant comme vrais les trois quarts au moins de sa doctrine esthétique. Mais en présence d’une époque déterminée, lorsqu’il applique sa doctrine à des faits particuliers, je suis obligé de faire quelques réserves. En partant de l’âme pour arriver au monde, au lieu de partir du monde pour arriver à l’âme, M. Cousin a joué un jeu périlleux, et le péril qu’on pouvait tout au plus entrevoir tant qu’il demeurait dans la région des idées pures est devenu manifeste dès qu’il a tenté d’aborder l’histoire esthétique d’un temps et d’un pays déterminés. Alors se sont révélés tous les écueils semés parmi les idées préconçues, et quand je dis préconçues, je ne prétends pas dire que les idées exposées par M. Cousin sur la nature et la mission de l’art soient nées au hasard, je veux dire seulement qu’il les a prises de la main de ses devanciers, sans se donner la peine de les soumettre à l’épreuve du monde extérieur. Qu’est-il arrivé ? et que devait-il arriver ? Comme, au lieu de procéder du particulier au général, M. Cousin procédait du général au particulier, c’est-à-dire comme il pratiquait la déduction avant d’avoir vérifié l’induction, il ne pouvait guère arriver à une exacte estimation des faits particuliers, et en effet, en abordant l’histoire esthétique de la France au XVIIe siècle, ces principes, bien que vrais en général, prennent un caractère douteux dans l’application.

Tant que M. Cousin demeure dans la région purement littéraire, il a raison sur tous les points, il apprécie d’une manière parfaite Corneille, Racine, Molière, Boileau, Fénelon, Bossuet. Arrivant aux