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moins que le médecin moderne ; — mais le roi de Macédoine, dirigé uniquement par des conseils superstitieux dans cet extrême péril, succomba malgré sa jeunesse et sa vigueur.

Les soupçons au sujet de la mort d’Alexandre, soupçons d’ailleurs démontrés faux par la pathologie, ne sortirent jamais du cercle des rumeurs et ne donnèrent lieu à aucune recherche. Il n’en fut pas de même d’une autre mort prématurée que la clameur publique attribua au poison, je veux dire celle de Germanicus. L’affaire fut plaidée dans le sénat. L’accusé, avant sentence rendue, mit fin à ses jours. Germanicus avait été envoyé dans l’Orient. En même temps Pison reçut le commandement de la Syrie. Ce gouverneur montra contre Germanicus un esprit d’insubordination et de violence qui se porta aux dernières extrémités. Sa femme Plancine ne resta pas en arrière de son mari, et quand Germanicus eut succombé, Pison et Plancine témoignèrent la joie la plus odieuse, l’un renversant par ses licteurs les sacrifices offerts à Antioche pour le salut du jeune César, et l’autre quittant, à la nouvelle de la catastrophe, le deuil qu’elle portait pour la perte d’une sœur. Aussi, en présence de cette conduite aussi étrange que coupable, tout le monde à Rome crut que Germanicus était mort du poison, et on ne s’arrêtait pas à Pison, on supposait que celui-ci n’avait agi que par les ordres de Tibère, jaloux de la faveur singulière dont Germanicus jouissait parmi les Romains. La suite montra jusqu’à quel point allait cette haine de Tibère. La fière et vertueuse épouse de Germanicus, Agrippine, périt reléguée dans une île, après avoir eu un œil crevé d’un coup de bâton donné par un centurion. De ses deux fils aînés, Néron fut mis à mort dans une île, par la faim probablement, entraînant dans sa chute plusieurs personnages distingués et même leurs esclaves. C’est ainsi que Titius Sabinus, avec tout son monde, fut exécuté et jeté aux gémonies, et là, aux yeux d’une multitude assemblée, se passa un spectacle singulièrement touchant : le chien d’un de ces esclaves égorgés parce que leur maître était ami du fils de Germanicus ne voulut pas abandonner le corps du malheureux auquel il avait appartenu, et alla périr dans les flots du Tibre quand le Tibre emporta le corps inanimé. Quelle société que celle où l’on abandonnait tous ces cadavres des suppliciés au courant du fleuve qui traversait la grande ville ! Le second fils, Drusus, mourut aussi de faim dans un réduit du palais. Ajoutons que, Pison ayant été condamné après sa mort par le sénat, Tibère adoucit l’arrêt et sauva complètement Plancine des suites de l’accusation.

Mais tant de cruautés exercées contre cette famille infortunée ne prouvent pas que Tibère en eût fait disparaître le chef. Dans les détails de l’affaire, on trouve que le palais où Germanicus gisait malade était rempli de toutes sortes de maléfices par lesquels la superstition