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le reste de la monarchie se trouvera inquiété, divisé, affaibli par l’incertitude de la succession, et vous verrez, par cette issue encore, poindre ce Slesvig-Holstein que le Danemark a déjà renversé par les armes, mais que vous ne déracinerez que par de sages et fortes institutions données à toutes les parties de notre monarchie danoise.

Votre but, ajoutait l’opposition danoise par la bouche de M. Wegener, votre but est, dites-vous, d’éloigner du trône de Danemark cette multitude de prétendans dont les droits respectifs sont autant de germes de rivalités et de troubles civils. L’objection ne manquerait pas de gravité si vous refusiez de laisser revivre les droits des Gottorp ; mais pourquoi, reconnaissant et admettant pour l’avenir les prétendans russes, écartez-vous pour toujours les prétendans danois des lignes féminines, plus voisins de la couronne et à tous égards moins redoutables ? Quand notre monarchie se compose de plusieurs parties tout à fait distinctes et soumises, au moins jusqu’à présent, à des conditions de gouvernement et à des lois de succession différentes, combien ne devons-nous pas au contraire nous efforcer de grouper autour du trône le plus d’héritiers vraiment danois, de peur qu’une interruption malheureuse dans la lignée de nos rois n’ouvre la route à des ambitions étrangères dont le succès deviendrait la ruine de notre nationalité ! Vous nous reprochez de prévoir les malheurs de trop loin. Nous répondons que nos conjectures ne portent pas sur un avenir bien éloigné, puisque la vie de deux jeunes princes, de deux enfans, exposée à tous les hasards, nous en sépare seule, et nous répondons aussi que, fussent-elles très lointaines, vous les devez trouver légitimes, étant appuyées, hélas ! sur l’exemple de nos dangers tout récens et des complications actuelles.

Nous venons de résumer les raisonnemens sur lesquels s’appuya l’opposition danoise dans la question soulevée parle message royal du 4 octobre 1852. — La commission chargée d’examiner la question se composait de vingt-cinq membres. Le choix du duc de Glucksbourg fut admis et approuvé à l’unanimité ; mais il n’en fut pas de même pour ce qui regardait l’abolition de la loi royale. Neuf membres votèrent pour le rejet de la proposition ou du moins pour qu’elle fût retardée jusqu’après la mise en pratique de la constitution commune promise à toute la monarchie danoise ; sept furent d’avis que la proposition fut approuvée à la condition que l’acte officiel destiné à lui donner force de loi porterait cette clause expresse, qu’on respecterait le principe de l’intégrité de la monarchie, et que nul héritier ne recevrait le royaume de Danemark incomplet et mutilé. Ce premier échec inspira au ministère un vif mécontentement qu’il ne dissimula point. Une seconde défaite amena une rupture entre le cabinet danois et le parlement. Il s’agissait pourtant cette fois d’une