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jugement dernier. Enfin elle tient compte aussi de la condition spéciale de ceux qui sont morts dans la foi, sans une expiation suffisante des fautes commises. Elle en conclut que les prières des vivans peuvent leur être d’un grand secours. Dans quelle vue ces prières ? Pour obtenir en faveur des morts une résurrection bienheureuse. Ce n’est plus là exactement la pensée de la prière des morts dans l’église latine ; le but néanmoins n’est que modifié.

Il ressort suffisamment de ces considérations que les prétextes théologiques ne peuvent à eux seuls faire comprendre le déchirement qui s’est produit en religion entre le monde latin et le monde gréco-slave, et l’on risquerait de ne pouvoir jamais s’en rendre compte, si l’on ne remarquait l’attachement des populations orientales pour leur autonomie administrative, le besoin qu’elles ressentent de vivre selon des lois politiques et religieuses conformes à leur génie propre.

Les nations gréco-slaves, il est vrai, n’ont point toutes refusé également de rester unies avec Rome. Les Slaves du moins se sont partagés. Si la famille russe et les tribus bulgaro-serbes se sont livrées sans réserve à la communion orientale, les Polonais et les Tchèques de la Bohême, ainsi que les tribus illyriennes et une partie des Bosniaques, ont passé au latinisme. Cependant, aussitôt que l’on met le pied sur le sol slave, on est frappé de la situation difficile dans laquelle ces populations latinisées se trouvent placées vis-à-vis des autres peuples de la même race. C’est une des causes de l’isolement de la Pologne au milieu de la race slave. Que d’efforts n’ont point faits depuis quelques années ses écrivains pour détruire le préjugé séculaire qui la poursuit, et qui, après avoir éloigné d’elle les peuplades de la Russie méridionale, l’a privée en partie de la popularité qui aurait pu s’attacher à son triste destin ! Combien de fois la Bohême, si savante et si active dans l’érudition slave, ne s’est-elle pas sentie paralysée dans sa propagande littéraire, grâce aux soupçons que ses antécédens latins éveillaient, soit chez les Russes, soit parmi les Bulgares et les Serbes ! Enfin les Illyriens de l’Autriche méridionale, les Bosniaques de la Turquie, n’ont-ils pas souvent, par la même raison, rencontré des difficultés inattendues dans leurs rapports avec ces Bulgaro-Serbes qui pourtant parlent la même langue, ont les mêmes intérêts et nourrissent les mêmes espérances ? Ainsi, par un préjugé enraciné, le latinisme est considéré parmi les Slaves comme un arbre étranger au sol national. Ceux qui osent se nourrir de ses fruits ou s’asseoir à son ombre sont tenus pour infidèles aux traditions et au génie de la patrie slave. Quant aux deux autres peuples les plus importans de la Turquie avec les Slaves, c’est-à-dire les Hellènes et les Arméniens, ils ont brisé presque unanimement avec Rome. Pour eux aussi, comme pour les Slaves, le latinisme est