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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/89

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méthodisme qui, par la puissance de l’exemple et de l’émulation, rendit la vie aux anciennes formes du protestantisme. De là vint le réveil religieux de l’Angleterre, et, pour l’honneur de la nation, la liberté religieuse a du même moment pris son essor. Cependant une pensée prévaut toujours, c’est que la religion est un attribut nécessaire et une sauvegarde vitale de toute société civilisée, et cette pensée qui, dans sa généralité, n’est pas plus protestante que catholique, pas plus chrétienne que philosophique, domine tous les motifs purement spirituels qui, tout-puissans pour l’individu, sont nuls pour la société.

Lorsque les œuvres posthumes de Bolingbroke parurent, les anciennes luttes des sectes s’étaient apaisées. Les questions religieuses cessaient d’agiter le parlement; l’administration calmante de Walpole avait porté ses fruits. Dans le domaine de la spéculation, la liberté de penser, faute d’excitation, avait cessé de produire. Tous les écrivains déistes un peu célèbres étaient mort«. Bolingbroke, qui avait survécu, s’était, dans le désœuvrement et l’isolement politique, acharné à des recherches et à des discussions qui n’intéressaient plus. Je crois bien que dans le grand monde ses opinions étaient encore répandues : c’est toujours là qu’elles règnent, malgré des apparences contraires; mais la mode était passée de les étaler, parce que le droit de les avoir était acquis. Plus de liberté à conquérir, d’obstacle à vaincre, de zèle excessif à contenir, d’excès à tempérer par un autre excès; ainsi prévalait naturellement cette sagesse pratique qui ménage ce qu’elle veut conserver, conserve tout ce qui sert, et qui en toutes choses, même en religion, peut aborder les réformes nécessaires, mais ne cherche pas les révolutions. Les œuvres de Bolingbroke venaient donc trop tard, et trouvèrent un public froid ou malveillant. L’homme avait eu beaucoup d’ennemis. Dès longtemps, l’église avait oublié d’anciens services peu dignes par leurs motifs de sa reconnaissance. Les whigs, accusés souvent d’indifférence et de relâchement, saisirent avec empressement l’occasion de flétrir l’impiété d’un ancien adversaire. Il était piquant de montrer dans le ci-devant protecteur de Sacheverell un antagoniste du christianisme. Enfin les reproches que la conduite de Bolingbroke avait justement suscités se tournaient contre ses opinions, et sa vie ne recommandait pas sa doctrine. Warburton, animé par des rancunes récentes, écrivit quatre lettres assez mordantes, mais assez médiocres, où il attaqua par la critique plus que par la réfutation la philosophie de Bolingbroke (1754). Ce qui nous intéresse le plus dans cet ouvrage, c’est qu’il en envoya un exemplaire à Montesquieu, et la réponse qu’il reçut contient ces passages remarquables : « J’ai lu quelques ouvrages de milord Bolingbroke, et s’il m’est permis de