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d’abord dans le Pandjâb, puis dans le Sindh, où il espérait trouver l’occasion, soit de rallier à sa cause quelques-uns des petits princes dont les territoires bordent le bas Indus, soit de s’emparer de quelques points dont l’importance stratégique ou les ressources en vivres et en moyens de transport pourraient lui fournir une base d’opérations. Il erra pendant dix-huit mois dans ces contrées, tantôt négociant, tantôt assiégeant quelque bourgade fortifiée, ou assiégé lui-même dans son camp, tantôt enfin soutenant une guerre de partisans, rarement aidé par ses frères, plus souvent desservi ou trahi par eux, et cependant toujours prêt à leur pardonner. Ces agitations continuelles lui rendaient plus précieux encore les rares intervalles où il lui était permis de se reposer des émotions des camps, des intrigues politiques et des alarmes de l’ambition, dans les distractions de la vie privée et l’intimité de la famille. Pendant son séjour à Pât, dans la province de Sewestan, à vingt milles de l’Indus, localité de quelque importance à cette époque et qu’il avait fait occuper par son frère Hindâl, Dildâr-Bégam, mère de ce jeune prince, donna une fête à l’empereur dans ses appartemens particuliers. Là se trouvaient réunies toutes les dames de la cour exilée, et parmi elles Hamyd (ou Hamyda) Bânou[1], fille d’un sayed (descendant du prophète) qui avait élevé le prince Hindâl : elle était à peine âgée de quatorze ans. Houmâyoûn fut tellement frappé de la beauté de cette jeune personne et captivé par le charme de ses manières, qu’il prit immédiatement la résolution de l’épouser malgré la vive opposition du prince Hindâl, qui, plus jeune de onze ans que l’empereur (alors âgé de trente-trois ans), et probablement épris lui-même de la belle Hamyda, ne put cacher son extrême mortification. « J’avais cru, dit-il à Houmâyoûn, que vous étiez venu chez moi pour me faire honneur et non pour vous amouracher d’une jeune fille. Si vous faites ce mariage ridicule, je vous quitte. » Houmâyoûn, offensé de la conduite de son frère, se retira à bord de la barge impériale, où Dildâr-Bégam le suivit après avoir adressé de sévères remontrances à son fils, et d’où elle réussit à ramener l’empereur chez elle. Une réconciliation au moins apparente eut lieu entre les deux frères, et, sous les auspices de la Bégam, le mariage de l’empereur avec la sultane Hamyda fut célébré dès le jour suivant.

Houmâyoûn, après avoir échoué dans les négociations qu’il avait entamées avec Shâh-Houssein, prince du Sindh[2], se vit bientôt menacé

  1. Nom propre qui se décompose ainsi : Hamyd (louable, glorieux), Bânou (noble dame).
  2. Shâh-Houssein soultân, de la famille d’Arghoum ou Arghoun, était l’un des descendans de Teimour. Son père, Mirza-Shâh-Arghoun, avait été quelque temps maître de Kaboul quand Bâbar s’en empara en 1504. Le Sindh était considéré comme une dépendance de Kaboul, et Houssein conséquemment comme l’un des vassaux de l’empire.