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mariages avec les filles des princes de l’Hindoustan et d’autres pays, il prévient les insurrections à l’intérieur et forme de puissantes alliances au dehors. »

La grandeur du caractère d’Akbar, la sagesse de son gouvernement, sa générosité et sa bonté naturelles, le tact admirable qu’il sut mettre dans l’exercice de la domination qu’il avait imposée à ses nouveaux tributaires, les convertirent, longtemps avant la fin de son règne, en alliés fidèles et dévoués. On en trouve la preuve dans la fameuse lettre adressée à Aurengzèbe par l’un des princes radjpouts au sujet djézia, capitation odieuse abolie par le grand Akbar au commencement de son règne, et que la bigoterie d’Aurengzèbe voulait imposer de nouveau à tous les Hindous. On y trouve le passage suivant, qui honore à la fois l’esprit d’indépendance qui l’a dicté et la mémoire d’Akbar : — « Votre royal ancêtre, Mohammad Djallal-oud-din-Akbar, dont le trône est maintenant au ciel, a conduit les affaires de cet empire, pendant plus de cinquante ans, avec fermeté, sûreté et justice. Veillant sur la tranquillité et le bonheur de toutes les classes de ses sujets, qu’ils fussent sectateurs de Jésus ou de Moïse, de David ou de Mohammed, qu’ils fussent de la croyance brahmanique, ou de celle qui nie l’éternité de la matière, ou de celle qui attribue l’existence du monde au hasard, tous jouirent au même degré de sa protection et de sa faveur, et de là est venu que ces peuples, dans leur reconnaissance pour cette protection paternelle, lui ont décerné le titre de tuteur de l’humanité [djaggat gourou.) »

Pour se faire une idée exacte des avantages qu’Akbar retira en effet de cette politique bienveillante à l’égard non-seulement des Radjpouts, mais des Hindous en général, il suffira de remarquer que dans le commandement de ses armées, dans le gouvernement de ses provinces, dans l’administration de ses finances, il employa constamment des Hindous, concurremment avec des musulmans, et qu’ils se montrèrent dignes de sa confiance. Mânn-Sing (d’Amber), neveu et successeur de Bahgwân-Dass, fut le plus brillant et le plus habile des lieutenans de l’empereur, dont il était beau-frère par l’alliance déjà mentionnée. Akbar lui dut la moitié de ses triomphes. Avec ses fidèles et invincibles Radjpouts, Mânn-Sing porta la terreur des armes impériales des montagnes du Kaboul jusqu’à l’est du golfe de Bengale. Par lui, Orissa fut subjugué, Assam réduit au rang des états tributaires, Kaboul maintenu dans l’obéissance. Il fut successivement gouverneur du Bengale et du Baharn du Dakkhan et du Kaboul. Radja Tadar-Mall, à la fois chef militaire du plus haut rang, ministre et financier, introduisit, sous la direction de l’empereur, le système d’impôt foncier qui porte encore aujourd’hui le nom de cet homme d’état, et dont l’Ayin-Akbary nous a transmis tout le détail.