champs, lorsque l’histoire elle-même raconte de semblables prodiges. En effet, le jour où Tarquin fut renversé du trône, un chien se félicita hautement dans les rues de Rome de l’expulsion de ce roi. Au moment où Domitien était assassiné, une corneille optimiste dit à haute voix dans le Capitole : « C’est fort bien fait, tout est bien. » Lorsque Rome, opprimée par Othon et menacée par Vitellius, vit avec effroi la statue de la Victoire laisser échapper de ses mains les rênes d’or de son char, on entendit les bœufs de l’Etrurie causer entre eux des malheurs de l’empire. Enfin, sous le consulat de Lépidus et de Catulus, un coq parla dans la métairie de Galerius, sur le territoire d’Arminium, et Pline, en rapportant ce fait, dit qu’il est d’autant plus remarquable qu’on ne trouve point dans l’histoire d’autre exemple de coq qui ait parlé. Par un privilège extraordinaire de l’instinct, les bêtes apprennent et parlent sans effort la langue de l’homme, tandis que l’homme ne parvient que par une faveur toute spéciale des dieux à comprendre et à parler la langue des bêtes. On ne connaît guère dans toute l’antiquité que Tirésias, Hélénus, Cassandre, Apollonius de Thyane et Mélampus, qui aient possédé cette science merveilleuse. Apollonius l’avait acquise en mangeant le cœur d’un dragon des Indes, et des serpens en avaient donné les premières leçons à Mélampus. Ses esclaves, ayant un jour découvert dans un vieux chêne une couvée de reptiles, tuèrent le père et la mère et apportèrent les petits à leur maître, qui les fit élever avec un grand soin. Parvenus à l’âge de raison, les jeunes serpens se montrèrent pleins de reconnaissance pour l’homme qui les avait si bien traités, et un jour qu’il dormait profondément, ils s’approchèrent de ses oreilles, les caressèrent doucement de leur langue et lui perfectionnèrent tellement le sens de l’ouïe, en l’initiant en même temps aux secrets de la langue universelle, qu’à son réveil il fut tout surpris d’entendre ce qui se passait dans le conseil des dieux et de comprendre le langage de tous les êtres.
Jusqu’ici, on le voit, dans la zoologie fantastique de l’antiquité tout s’enchaîne avec une logique sévère. La bête a les trois âmes de l’homme ; elle a donc les mêmes facultés, et comme conséquence de ce premier fait elle aura les mêmes passions. La science moderne, au contraire, — tout en reconnaissant qu’au point de vue purement physique, les instincts et les appétits matériels de l’homme et de la brute offrent souvent trop de rapports, — ne transporte pas cette analogie dans l’ordre moral : elle admet, sans pouvoir la comprendre et l’expliquer, une différence profonde et, pour ainsi dire, infinie ; elle sent que le rayon mystérieux qui nous éclaire et nous échauffe n’a point touché la bête. C’est là ce que l’antiquité n’a jamais senti : celle-ci donne aux animaux, sans établir la moindre distinction, non-seulement