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Transportons-nous maintenant au début de la guerre civile, c’est trois ans après. John Hampden a perdu son procès d’éternelle mémoire, et les Écossais ont signé le covenant qui contient une profession de foi, une liturgie et un serment. La guerre de surplis qu’ils faisaient à l’archevêque Laud, ils la soutiennent par les armes. Charles Ier a été obligé de convoquer mi parlement où Cromwell siège pour la ville de Cambridge, et ce parlement, convoqué pour donner au roi les moyens de dompter la rébellion de l’Ecosse, devenu lui-même un foyer de résistance, forme quarante comités d’enquête. Le roi est obligé de lui abandonner le gouvernement, après lui avoir lâchement sacrifié la vie de Strafford. Sa tentative pour faire mettre en accusation Hampden et Pym avec cinq autres membres ne sert qu’à le forcer à la lutte. Il va se chercher une armée, et le parlement en lève une d’environ vingt mille hommes. Cette armée, sous le commandement du comte d’Essex, livre le 23 octobre 1642 aux troupes royales la bataille indécise d’Edge-Hill. « Nous croyions tous, écrit un contemporain, qu’une seule bataille finirait tout. » Mais Baxter se trompait comme se trompent beaucoup d’hommes sensés au début d’une révolution. Si tous en prévoyaient la grandeur et la durée, le courage manquerait aux plus fermes, et l’on ne saurait croire combien doit le monde à l’imprévoyance humaine. Il ne tenterait rien s’il y voyait plus clair.

Comme les principaux membres des communes, comme son cousin Hampden, Cromwell avait un commandement dans l’armée d’Essex. Il était capitaine d’une compagnie de soixante-sept hommes. Il assista à la bataille d’Edge-Hill, et il se trouva que ce fermier prêcheur avait la valeur et le coup d’œil d’un soldat. Cependant il montra quelque chose de plus rare, ce qu’on appellerait aujourd’hui le génie d’un organisateur. Le résultat de la journée avait été incertain, mais il ne l’était pas pour lui que les années n’étaient pas égales. Il vit le mal et conçut le remède aussitôt. Quinze ans après, en occasion solennelle, un jour qu’en appareil à demi royal il haranguait à White-Hall l’assemblée qui lui tenait lieu de parlement, il a raconté lui-même tout ce qu’il avait pensé et tout ce qu’il avait fait alors. Ecoutons-le dans un de ces épanchemens étranges où se trahit son caractère et se déploie sa politique.


« Si tous parmi vous ne le gavent pas, je suis sûr que quelques-uns de vous savent, et il m’importe de dire que moi je sais ma vocation depuis le premier jour jusqu’à celui-ci. J’étais un homme soudainement transporté au-dessus de mes premières occupations et élevé des moindres emplois à des emplois supérieurs, ayant commencé par être capitaine de cavalerie, et je prenais toute la peine en mon pouvoir pour m’acquitter de ma charge, et Dieu m’a béni en cela comme il lui a plu. Et je désirais sincèrement et bonnement