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et il nous semblait inutile d’en surcharger une narration déjà longue, mais un acte récent de l’empereur Nicolas, sa dernière réponse au chef du gouvernement français et le mémorandum du 2 mars de M. de Nesselrode nous font aujourd’hui un devoir de remplir cette lacune.

Le gouvernement russe prétend, dans ces nouveaux appels adressés en réalité à L’opinion publique européenne, que pour peu que les puissances eussent voulu sérieusement la paix, elles auraient obtenu de la Porte l’acceptation pure et simple de la note de Vienne, ou se seraient ralliées aux propositions faites par lui à Olmütz. Cette assertion est malheureusement, comme presque toutes celles de la Russie, entièrement contraire à la vérité. Puisque l’empereur Nicolas fait de la note de Vienne et des propositions d’Olmütz l’épreuve de la sincérité des intentions pacifiques des puissances, puisqu’il veut resserrer dans ces deux épisodes du travail de la diplomatie la responsabilité de la guerre qui va éclater, il faut revenir sur ces deux points importans et mettre la conscience publique en état de se prononcer. C’est ce que nous allons faire, en produisant comme dans notre précédent travail les pièces du procès. On va voir pourquoi la note de Vienne a échoué, et qui est responsable de cet avortement. On va voir pourquoi les propositions d’Olmütz ne purent point être acceptées. Cette étude complétera l’histoire des négociations et des causes de la guerre. Elle aura, dans les circonstances actuelles, un autre intérêt. La question la plus épineuse, la plus grave du moment est de savoir quelle position prendront l’Autriche et la Prusse dans la lutte qui commence. En exposant le rôle qu’elles ont joué dans les négociations, nous allons montrer jusqu’à quel point l’attitude qu’elles ont prise et gardée dans ces transactions les engage pour l’avenir.

Après le départ de Constantinople du prince Menchikof et l’ultimatum de M. de Nesselrode, il y eut, comme nous l’avons dit, une sorte d’émulation parmi les puissances pour chercher un expédient qui prévint les conséquences de la rupture diplomatique entre la Porte et la Russie. La pensée d’une conférence entre les puissances signataires du traité de 1841 vint simultanément à tous les cabinets. M. Drouyn de Lhuys le 12 juin 1853, lord Clarendon le 15, Firent à ce sujet des ouvertures à l’Autriche. Le comte de Buol recommanda l’ajournement de ce projet. « La Russie et la Turquie, disait-il, n’avaient pas encore à ce moment déclaré leur décision définitive. Une conférence serait prématurée. Les puissances auraient l’air de concerter une opposition à la Russie et de vouloir lui dicter des conditions. Il ne fallait pas donner ce prétexte aux ombrages de l’empereur Nicolas, tant que, par des représentations et des conseils donnés à Saint-Pétersbourg et à Constantinople, on pouvait conserver un faible espoir d’amener la Russie et la Porte à un arrangement