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ils luttaient depuis le commencement, ils n’auraient pas donné leur assentiment au travail de la conférence. » Après le préambule, lord Clarendon discutait les trois points qui avaient excité les appréhensions de la Porte, soulevé ses objections et inspiré ses modifications.

La première objection de Rechid-Pacba portait sur le paragraphe : « Si à toute époque les empereurs de Russie, etc. » Que les empereurs de Russie, disait lord Clarendon, témoignassent leur sollicitude pour des coreligionnaires placés sous un gouvernement musulman, rien n’était plus naturel ; mais, ajoutait-il, le gouvernement anglais ne peut admettre que l’on puisse induire - de cette sollicitude témoignée dans le passé - que les actes des sultans en faveur de l’église grecque n’ont point été spontanés et volontaires : aucune interprétation de ce passage ne peut fournir à la Russie le droit de requérir du sultan l’accomplissement de ces actes. Il ne s’agit dans cette phrase que de la constatation d’un fait historique. Ce fait peut être vrai ou faux ; mais la Russie n’acquiert aucun droit, la Turquie ne contracte aucun engagement par l’expression de ce fait. Les grandes puissances chrétiennes ont à diverses époques témoigné de leur active sollicitude pour les sujets chrétiens de la Porte, nulle plus souvent et avec plus d’énergie que l’Angleterre. Elles ont agi ainsi pour l’humanité souffrante et la religion outragée, et leurs justes remontrances ont obtenu plus ou moins de succès ; mais jamais le pouvoir qu’avait le sultan de ne pas les écouter n’a été mis en question, et le droit qu’ont les puissances chrétiennes d’intervenir de cette façon peut s’exercer encore sans préjudice pour son indépendance. Le sultan vient de rendre librement des firmans favorables aux Grecs ; qui peut douter que ce ne soit en conséquence de l’intérêt que ses alliés chrétiens portent à ses sujets chrétiens ? Qui peut douter que les souffrances de ces sujets chrétiens ne seront pas allégées encore à la suite des protestations puissantes de l’ambassadeur anglais ? En écoutant de pareilles remontrances, en y conformant ses actes, le sultan acquiert des titres à l’estime et au respect ; mais il ne se dessaisit d’aucun droit, il ne contracte aucun engagement au détriment de sa souveraineté. Tel est le sens de la note de Vienne ; la première modification est donc sans objet.

La seconde objection de Rechid-Pacha portait sur la mention faite dans la note du traité de Kainardji et sur la construction de la phrase qui lui semblait faire découler des stipulations de ce traité la déclaration que le sultan maintiendrait les privilèges de l’église grecque. Lord Clarendon avait déjà remarqué la connexion des deux membres de la phrase dans le premier projet du comte de Buol, et s’était efforcé de la faire disparaître en introduisant entre les deux la disjonctive et, pour parler comme le Mariage de Figaro. Il signalait