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Demandez-lui si la règle du célibat lui semble rigoureuse à observer, il vous répondra : « Un sage des temps anciens, qui vivait retiré dans la montagne, descendit un jour vers la ville pour y recueillir des aumônes. Sur la route, il rencontre une femme d’une remarquable beauté, costumée avec goût et avec recherche, parée de joyaux; cette femme venait de se quereller avec son mari, et elle retournait chez ses parens. En voyant le religieux, elle le regarda avec coquetterie et se mit à sourire, ce qui lui permit de montrer ses belles dents. Le religieux, à l’aspect de cette bouche souriante, n’eut d’autre pensée que celle de la fragilité de la vie : il songea au sourire grimaçant d’une tête de mort. Aussi, lorsque le mari venant à passer lui demanda s’il n’avait pas aperçu une femme sur le chemin, le religieux se contenta de répondre : « Je n’ai vu qu’un squelette; s’il était homme ou femme, je ne saurais le dire. » Beaucoup de religieux cependant n’ont pas l’esprit assez philosophique pour découvrir ainsi la mort à travers la vie; aussi tâchent-ils toujours de ne pas regarder devant eux, de faire en sorte que « voyant ils ne voient pas, entendant ils n’entendent pas. » Ils se comparent volontiers à la nue errante qui glisse, sans entrer en contact avec aucun corps animé, entre le ciel et la terre. D’ailleurs ils n’ont pas prononcé de vœux, nous l’avons dit. Quand ils ne se sentent pas la force de continuer le genre de vie qu’ils ont embrassé, ils le déclarent au supérieur, et reprennent leur liberté. La seule obligation qui leur soit imposée consiste à déposer la robe jaune : il ne faut pas que l’habit monastique soit compromis par les actes de ceux qui ont abandonné le monastère pour rentrer dans le monde. Ce départ n’a rien de définitif non plus ni d’absolu. Les portes qui se sont ouvertes pour laisser passer un religieux sans vocation s’ouvriront de nouveau devant lui pour le recevoir, s’il lui convient de marcher une fois encore dans la voie qui conduit à l’anéantissement final.

Le fondateur de la doctrine, Gôtama-Bouddha, en renonçant à la couronne, aux honneurs, au monde, avait donné à ses disciples l’exemple du dépouillement et de l’abnégation. La pauvreté est donc une des conditions imposées aux religieux. Chaque habitant du monastère, au moment de son ordination, doit posséder huit articles, lesquels ne constituent pas un bien riche trousseau. En voici l’inventaire : trois robes et tuniques, une ceinture, un vase rond pour recueillir les aumônes, un rasoir, une aiguille et un filtre. La plus belle des trois robes sert aux religieux à se parer quand ils assistent à quelque solennité publique; la seconde se porte pendant les exercices du culte et les réunions en chapitre; la troisième, qui n’est qu’une simple tunique, est l’habit de travail. Le peuple de Ceylan vient chaque année offrir aux monastères des pièces de coton tissées durant la saison des pluies. Le chapitre s’assemble alors, et une voix