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à ce point la moyenne, puisqu’on y trouve des domaines de 100,000, 200,000 et même 300,000 hectares; dans les Lowlands, la division devient infiniment plus grande : la moyenne des propriétés tombe à 500 acres ou 200 hectares. Le duc de Buccleugh est presque le seul très grand propriétaire de cette partie de l’Ecosse; son palais de Dalkeith domine un des plus beaux pays de culture. Les autres grands seigneurs écossais, comme les ducs de Sutherland, d’Athol et d’Argyle, le marquis de Breadalbane, etc., ont pour la plupart leurs terres dans les montagnes. Quand ces grandes fortunes ont été déduites, on trouve que les trois quarts des propriétaires écossais ont en moyenne 10 à 12,000 francs de rente environ. Les deux tiers de l’étendue du sol, produisant un tiers environ de la rente totale, sont entre les mains des grands propriétaires; un tiers environ de la superficie, mais qui produit à elle seule les deux tiers de la rente, appartient à l’autre catégorie. La petite propriété, sans être tout à fait inconnue, est moins répandue que partout ailleurs, moins même qu’en Angleterre. En somme, l’exemple de l’Ecosse est favorable à la grande propriété.

Pour la culture, c’est plutôt le contraire. On y compte environ 55,000 fermiers, dont chacun paie en moyenne 90 livres sterl. ou 2,250 fr. de loyer : c’est, comme on voit, plutôt de la petite ou au moins de la moyenne culture que de la grande. La moyenne des fermes en Angleterre est juste du double, c’est-à-dire de 4,500 francs de rente. Il y a dans les Highlands des fermes de plusieurs milliers d’hectares, mais en même temps on en trouve beaucoup dans les basses terres qui n’en ont pas plus de 25, et des milliers d’hectares, dans les montagnes désertes du nord, ne rapportent pas toujours autant, soit au propriétaire, soit au fermier, que 25 dans les plaines fertiles d’Edimbourg et de Perth.

Le mode habituel de tenure est très supérieur à la tenure anglaise. Les baux annuels sont inusités, presque tous les fermiers ont des baux de dix-neuf ans. Cette différence essentielle tient à plusieurs causes. D’abord les propriétaires écossais attachent moins d’importance que les Anglais à avoir leurs fermiers dans la main, pour exercer sur leur vote une influence décisive dans les élections, les partis, les intérêts et les ambitions politiques ayant parmi eux beaucoup moins de vivacité. Ensuite, le développement agricole de l’Ecosse étant beaucoup plus moderne, la tradition des fermiers at will n’a pas eu le temps de s’établir, et la combinaison la meilleure, celle des longs baux, a pu prévaloir dès le début. Nous avons vu que les baux annuels n’ont pas nui beaucoup à la prospérité agricole de l’Angleterre; il est probable cependant que, si l’usage contraire s’était introduit, le progrès eût été encore plus grand; c’est du moins ce que nous pouvons inférer de l’exemple de l’Ecosse, où