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Son compétiteur, François Ier, était un peu plus âgé que lui. Il avait des états moins nombreux, mais non dispersés, et sa puissance était égale, parce qu’elle était concentrée. Le royaume de France, qu’il possédait sans partage et qu’il gouvernait sans contradiction, ne contenait plus sur sa surface vaste et compacte aucune souveraineté particulière assez importante pour menacer son existence, aucune classe assez indépendante pour troubler son repos. De l’Océan aux Alpes, des Pyrénées aux Ardennes, il était uni et obéissant. Le prince qui y commandait était dans tout l’éclat de la jeunesse et de la gloire. Il avait vingt-cinq ans. Ce que Charles promettait d’être un jour, François l’était déjà devenu. A peine monté sur le trône, il avait réparé les désastres extérieurs qui avaient attristé la fin du règne de son populaire et inhabile prédécesseur. Franchissant, par des chemins jusque-là inaccessibles à une armée, les Alpes, dont les passages ordinaires lui étaient fermés, il avait paru en vainqueur dans les plaines de la Lombardie, où l’on ne croyait pas qu’il parvînt à descendre, et, à l’étonnement de l’Europe, presque entière conjurée contre lui, il avait reconquis le duché de Milan, que Louis XII avait perdu deux fois. Ces redoutables Suisses qui n’avaient jamais été battus et qui avaient successivement triomphé des archiducs d’Autriche à Morgarten et à Sempach, des ducs de Bourgogne à Granson, à Morat et à Nancy, des empereurs d’Allemagne à Pratteln, à Constance, à Schwaderloch et à Dorneck, des rois de France à Milan, à Novare et à Dijon, lui seul les avait mis en fuite à Marignan. Durant cette terrible bataille de deux jours, il n’avait pas quitté la selle de son cheval, et, la lance au poing, le casque en tête[1], il avait reçu, aux premiers rangs, trois coups de pique dans son armure[2].

Après avoir combattu en soldat, vaincu en capitaine, il avait agi en politique. Imitant l’exemple de Louis XI et remédiant à l’une des fautes les plus graves de Louis XII, il avait remis les Suisses dans l’amitié et au service de sa couronne par la ligue perpétuelle de Fribourg. Duc accepté de Milan, seigneur reconnu de Gènes, souverain affermi de la France, les négociations ne lui avaient pas moins réussi que les armes. Il avait obtenu du pape Léon X la restitution de Parme et de Plaisance au Milanais, de l’empereur Maximilien la cession de Vérone à ses alliés les Vénitiens, du roi d’Angleterre Henri VIII le rachat de Tournay, de Mortagne, de Saint-Amand, réintégrés à la France. Il ne devait pas être toujours aussi heureux

  1. Lettre de François Ier à la duchesse d’Angoulême, du 14 septembre 1513, sur la bataille de Marignan, dans l’introduction aux Mémoires de Du Bellay. Collection Petitot, vol. XVII, p. 186.
  2. Les première et deuxième années du règne de François Ier, par Jean Barillon, secrétaire du chancelier Du Prat. Mss. de la Bibl. nat. Bethune, n° 8618.