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au nom de tous les souverains germaniques, dont ils étaient les premiers et les plus considérables, le roi des Romains, futur empereur. Ce haut pouvoir, qu’ils exerçaient depuis le XIIIe siècle, avait été réglé en 1356 par la bulle d’or de Charles IV, qui prescrivait de faire l’élection dans la ville de Francfort, et qui rendait cette élection valide à la majorité des suffrages.

Quelle était la position des sept électeurs vis-à-vis des deux princes qui aspiraient à l’empire, et par suite de quels intérêts ou de quels sentimens devaient-ils se déclarer pour les prétentions de l’un ou de l’autre ? La maison de Hohenzollern possédait les deux électorats de Brandebourg et de Mayence. Le margrave Joachim, chef de cette puissante famille, avait reçu héréditairement le premier en 1499, et son frère, l’archevêque Albert, avait obtenu le second par élection depuis 1514. En toute rencontre, l’empereur Maximilien s’était prêté à l’agrandissement de leur maison. Il avait accordé au margrave l’expectative du duché de Holstein, laissé réunir par l’archevêque, à peine âgé de trente et un ans, les trois sièges importans d’Halberstadt, de Magdebourg et de Mayence, et contribué à faire donner la grande maîtrise de l’ordre teutonique à leur cousin le margrave Frédéric. Il semblait donc pouvoir compter sur ces deux frères pour faciliter l’élévation de son petit-fils à l’empire; mais ils étaient ambitieux, calculés, cupides. D’ailleurs les Hohenzollern se dirigeaient d’après l’utilité, non d’après la reconnaissance, et un avantage présent leur faisait aisément oublier les bienfaits passés.

La maison de Saxe n’avait aucun motif d’affermir et de rendre héréditaire la puissance de l’Autriche en Allemagne. Loin de là : elle était disgraciée depuis quelques années par l’empereur. Maximilien avait refusé à l’électeur Jean-Frédéric les duchés de Berg et de Juliers, dont il lui avait cependant promis l’expectative; il avait contraint le duc George, son cousin, à rétrocéder la Frise aux Pays-Bas; il avait désiré, après la mort du grand-maître Frédéric de Saxe, qu’un prince de Brandebourg fût mis à la tête de l’ordre teutonique. La maison de Saxe nourrissait contre lui de légitimes ressentimens. Aussi l’électeur Frédéric, que recommandaient en Allemagne de nobles sentimens de justice et un véritable esprit de sagesse, s’était déjà opposé dans plusieurs diètes, bien qu’il fût très mesuré et peu entreprenant, aux projets généralement mal conçus de Maximilien. Il était beau-frère du duc de Lunebourg, le plus puissant des princes de la vieille maison de Brunswick, et oncle du duc de Gueldre, alliés l’un et l’autre de François Ier,

L’électeur palatin, Louis V de Bavière, n’avait pas de moindres griefs. La succession de Bavière-Landshut avait été refusée en 1503 à son père Philippe, qui, l’ayant alors revendiquée les armes à la