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Avant que la distance des lieux lui permît de prendre toutes ces mesures, ses intérêts n’avaient pas été négligés en Allemagne. La gouvernante des Pays-Bas, Marguerite d’Autriche, sa tante, l’avait habilement suppléé. Cette princesse, qui le seconda jusqu’au bout par la sagesse de ses conseils, l’activité de ses démarches, par l’influence que conservait auprès des princes allemands la fille de Maximilien, avait envoyé en toute hâte Maximilien de Berghes à Augsbourg pour qu’il s’y concertât avec Villinger, Renner et Ziegler. Ces trois conseillers principaux de l’ancien empereur s’étaient mis à l’œuvre avec ardeur. Ils avaient décidé le comte palatin Frédéric à poursuivre auprès de son frère, l’électeur Louis, ce qu’il avait si bien commencé à Augsbourg, et à le maintenir ferme dans ses engagemens. Le margrave Casimir de Brandebourg-Culmbach avait consenti à se rendre, dans la même vue, à la cour de son parent l’électeur Joachim. Ils avaient fait partir encore deux agens adroits et exercés pour la Hongrie et la Bohème, en même temps que Marguerite d’Autriche dépêchait de Bruxelles son trésorier Marnix vers l’électeur de Trêves, et chargeait le comte de Nassau , pratiquer celui de Cologne. Enfin Armerstorff s’était rendu à Mayence en passant par Heidelberg[1].

La partie était bien liée des deux côtés. Des deux côtés, on était décidé à ne rien épargner pour réussir, à répandre l’argent, à multiplier les pensions, à promettre les faveurs, à employer même la force. L’Allemagne était dans la plus extrême agitation : elle présentait à la fois l’aspect d’un grand marché et d’un camp. Tout le monde y était à vendre, et tout le monde s’y armait. L’un voulait faire acheter sa voix, l’autre son influence, celui-ci les services indirects qu’il pouvait rendre, celui-là les soldats qu’il proposait d’enrôler. Le territoire de l’empire était incessamment traversé par des courriers qui portaient des dépêches, par des agens des deux rois qui se croisaient dans tous les sens avec leurs brillantes escortes de gentilshommes, et qui se rencontraient ou se succédaient auprès des électeurs dont ils se disputaient les suffrages, par des hommes de guerre qui offraient au parti vers lequel les faisaient incliner leurs préférences des bandes prêtes à en venir aux mains.

François Ier reprit la supériorité au début de cette seconde lutte électorale. Des cinq électeurs qui avaient promis à Augsbourg leurs voix au roi catholique, quatre, le comte palatin, le margrave de Brandebourg, les archevêques de Mayence et de Cologne, s’étaient concertés pour se soustraire à leur engagement, et ils se

  1. Les pouvoirs qu’ils reçurent, les traités qu’ils poursuivirent, les dépêches qu’ils écrivirent, extraits des archives de Lille, sont dans Mone, Anzeiger, etc., et dans Le Glay, Négociations, etc. vol. II.