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Charles interdisait donc et la candidature et le voyage de Ferdinand. Il promettait à celui-ci de le dédommager de ce nouveau sacrifice et de le traiter non-seulement comme son frère, mais comme son fils. « Je n’entends rien avoir, lui dit-il, qui ne soit autant à votre commandement que au mien[1]. » Afin de conserver cette précieuse union de la famille autrichienne qu’il sut maintenir durant trente-six années, il annonça qu’il augmenterait la part de Ferdinand dans l’héritage encore indivis de Maximilien et déciderait plus tard le corps germanique à l’accepter pour son successeur. « Estant esleu et couronné empereur, disait-il, nous pourrions assez facilement et sans dangier le faire eslire roi des Romains, et mectre l’empire en tel estat qu’il pourroit à toujours demeurer en nostre maison[2]. » Ce qu’il promit alors, il le réalisa depuis. Il donna en 1520 l’Autriche, la Carinthie, la Carniole, la Styrie et même le Tyrol à Ferdinand, auquel, en 1531, fut décernée d’avance, sur sa demande et par ses soins, cette couronne germanique qui ne devait plus sortir en effet de la famille des Habsbourg.

Le roi Charles annonça en même temps qu’il visait à l’empire pour exécuter de grandes choses, et il prescrivit d’employer les derniers efforts à faire réussir les poursuites commencées en son nom : «Nous sommes, disait-il, totallement délibéré à y rien épargner et à y mettre le tout pour le tout, comme la chose en ce monde que plus désirons et avons à cœur[3]. » Il recommandait de ne rien refuser aux électeurs, d’enrôler Sickingen, de s’attacher le prince évêque de Liège et le duc de Bouillon, d’envoyer de l’argent au cardinal de Sion et d’en promettre aux Suisses, en un mot d’assurer l’élection pour chose quelconque qu’elle lui dût couster. C’est ce qu’on n’avait pas manqué de faire en attendant sa réponse, et ce qu’on continua avec plus d’ardeur encore après l’avoir reçue.

Il fut particulièrement bien servi dans cette œuvre laborieuse par le plus hardi de ses agens auprès du plus influent des électeurs. Le chambellan Armerstorff était arrivé le 27 février à Mayence. Il avait déjà passé quelques jours à Heidelberg, où il avait trouvé deux négociateurs français, le président Guillart et le bailli de Caen. L’électeur palatin, qui, moitié faiblesse, moitié avarice, montra jusqu’au bout la même duplicité, traitant tour à tour avec les deux rois, afin d’éviter leur inimitié et de prendre leur argent, avait promis à Armerstorff son suffrage à un prix élevé et mystérieux. Il l’avait engagé en même temps à s’assurer des autres électeurs, car, lui avait-il dit,

  1. Lettre du roi catholique à son frère l’archiduc Ferdinand, du 5 mars. Archives des affaires étrangères, correspondance d’Espagne.
  2. Instructions au sieur de Beaurain. Le Glay, t. II, p. 309-310.
  3. lettre à Marguerite, du 5 mars. Archives des affaires étrangères.