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d’éloges due à ce savant ouvrage, il ne serait pas impossible peut-être de noter çà et là quelques imperfections. Peut-être aurait-on le droit d’accuser le modelé un peu rond de certains morceaux, de trouver un peu vague ou un peu vulgaire dans les têtes de Van-Dyck et de Lesueur l’expression si précise, si distinguée partout ailleurs. Enfin ce burin, ordinairement si ménager de ses ressources, se laisse aller parfois à quelque abus dans l’emploi des moyens. Plusieurs mains, — la main gauche de Léonard de Vinci entre autres, — sont chargées de demi-teintes et ne prennent qu’un empire douteux sur la valeur des tons environnans. Mais à quoi bon de pareilles chicanes ? A quoi servirait d’arrêter de loin en loin la loupe sur des taches imperceptibles ? Le juge le plus difficile, trouvât-il à reprendre dans l’exécution de quelques détails, ne pourrait marchander la louange à l’ensemble d’un travail si supérieur aux autres productions de M. Henriquel-Dupont et traité avec une intelligence si magistrale.

La publication de l’estampe gravée par M. Henriquel-Dupont est donc un fait considérable à tous égards, et ce fait peut avoir plus d’un résultat heureux. En ajoutant beaucoup aux titres de l’éminent artiste, il servira puissamment la cause de la gravure elle-même auprès des indifférens et des incrédules; car il ne s’agit pas seulement d’avoir raison de notre insouciance pour les louables efforts et les travaux accomplis de nos jours par les graveurs : ce sont nos préventions contre le procédé même qu’il faut vaincre, c’est l’existence de l’art qui est maintenant mise en question, c’est elle qu’il faut défendre et assurer. De notre temps, où la gravure semble presque un anachronisme, tant nous sommes habitués à voir se substituer partout les jeux de la mécanique aux spéculations du talent, les raisonnemens de la critique ne sauraient suffire pour ramener l’opinion. En dépit de la plus judicieuse dissertation sur l’excellence de la gravure, une épreuve héliographique gardera aux yeux de beaucoup de gens toute son autorité et son prestige : mise en regard d’une estampe comme l’Hémicycle, elle laissera voir clairement ce qu’il y a d’insuffisant et de faux pour ainsi dire au fond des vérités brutes que formule le daguerréotype. Il en est ainsi dans tous les arts; c’est aux praticiens surtout qu’il appartient de nous convertir. Le beau travail de M. Henriquel-Dupont permet d’apprécier nettement quelle différence sépare l’interprétation volontaire et raisonnée de la fidélité passive. Il nous rappelle ce que nous avions, sinon complètement oublié, au moins à moitié désappris, et mieux que toutes les théories, il terminera, nous l’espérons, l’injuste procès intenté à l’art par les apôtres de la mécanique.

Ce premier point une fois éclairci, qu’on rapproche l’Hémicycle et les autres planches gravées par le maître ou par ses élèves des estampes publiées depuis quelques années dans d’autres pays : on