Elle attend que l’été, changeant ses destinées,
Vienne ouvrir le rempart des glaces obstinées,
Et vers la ligne ardente elle monte en roulant.
XVIII
Un jour, tout était calme, et la mer Pacifique,
Par ses vagues d’azur, d’or et de diamant.
Renvoyait ses splendeurs au soleil du tropique.
Un navire y passait majestueusement.
Il a vu la bouteille aux gens de mer sacrée :
Il couvre de signaux sa flamme diaprée,
Lance un canot en mer et s’arrête un moment.
XIX
Mais on entend au loin le canon des corsaires ;
Le négrier va fuir s’il peut prendre le vent.
Alerte ! et coulez bas ces sombres adversaires !
Noyez or et bourreaux du couchant au levant !
La frégate reprend ses canots et les jette
En son sein, comme fait la sarigue inquiète,
Et par voile et vapeur vole et roule en avant.
XX
Seule dans l’Océan, seule toujours ! — Perdue
Comme un point invisible en un mouvant désert.
L’aventurière passe errant dans l’étendue.
Et voit tel cap secret qui n’est pas découvert.
Tremblante voyageuse à flotter condamnée,
Elle sent sur son col que depuis une année
L’algue et les goémons lui font un manteau vert.
XXI
Un soir enfin, les vents qui soufflent des Florides
L’entraînent vers la France et ses bords pluvieux.
Un pêcheur accroupi sous des rochers arides
Tire dans ses filets le flacon précieux.
Il court, cherche un savant et lui montre sa prise,
Et, sans l’oser ouvrir, demande qu’on lui dise
Quel est cet élixir noir et mystérieux.
XXII
Quel est cet élixir ! Pêcheur, c’est la science.
C’est l’élixir divin que boivent les esprits.
Trésor de la pensée et de l’expérience ;