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le Bel ; mais ces belles résolutions ne durèrent pas cette fois encore, et comme toujours la volonté du souverain fut obligée de céder devant la pression de l’opinion et les exigences du point d’honneur.

Trois ans plus tard, Philippe le Bel se vit forcé d’adopter la politique de son père et de régler les rencontres en proscrivant tout autre duel que le combat en camp clos, qu’il ne permettait d’ailleurs, conformément aux principes de l’ordonnance de 1283, que dans un certain nombre de cas. C’est de là que provient le célèbre formulaire de 1306, qui fut suivi fidèlement dans toutes ses dispositions jusqu’au règne de Henri II, et que la cour des pairs du royaume prit pour base de tous ses arrêts[1].

En parcourant l’innombrable série des demandes de combats à outrance soumises au parlement de Paris pendant ces deux cent quarante et une années et sous les règnes consécutifs de douze rois, on en trouve presque autant de rejetées que d’admises. Indépendamment de ce motif très réel de diminution pour les combats singuliers, les difficultés de tous genres, le sort affreux réservé au vaincu, les dépenses considérables que le demandeur ne pouvait éviter, les entraves de toute nature que le Formulaire de Philippe le Bel avait inventées pour décourager et fatiguer les parties, enfin la faculté souveraine du juge du camp d’arrêter le combat au dernier moment, durent éviter ou atténuer les résultats de bien des duels, qui sans tout cela se fussent terminés par la mort de l’un des champions ou même de tous les deux. On comprend donc que, sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII, on ait eu sérieusement la pensée de revenir aux duels judiciaires.

« Depuis la célèbre affaire de Jarnac et de La Chasteigneraye, dit un écrivain du XVIIe siècle[2], comme si l’interdiction des combats en camp clos eust

  1. La cour ne permettait les combats, ainsi que nous l’avons dit, que dans quatre circonstances seulement : (Formulaire des combats à outrance, etc.)
    « Premièrement, nous voulons et ordonnons qu’il soit chose notoire, certaine et évidente, que le maléfice soit advenu, et ce signifie l’acte où il apperra évidemment homicide, trahison ou autre vray semblable maléfice par évidente suspicion.
    « Secondement, que le cas soit tel que mort naturels en deust ensuivir, excepté cas de larrecin, auquel gaige de bataille ne chiet point, et ce signifie la clause par quoi peine de mort s’en deust ensuivir.
    « Tiercement, qu’ils ne puissent estre punis autrement que par voye de gaige, et ce signifie la cause en trahison reposte, si que celuy qui l’amoit fait ne se pourroit défendre que par son corps.
    « Quartement, que celuy que on peut appeller soit diffamé du fait par indices ou présomptions semblables à vérité, et ce signifie la cause des indices. »
  2. Le sieur de Treslan, dans son Avis au roy concernant les duels, 1604. — Il est un autre Avis du même auteur sur la présentation de l’édit de sa majesté sur la damnable coutume des duels prononcé au parlement de Toulouse. Les avis et remontrances au roi sur la question des duels furent très fréquens à cette époque. On peut citer sur la matière l’ouvrage de M. de Balagnyn 1612, et le discours de messire Pierre de Fenolliet, évêque de Montpellier, prédicateur ordinaire de sa majesté durant la tenue des états, le 26 janvier 1615.