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s’était montré habile diplomate dans les difficiles négociations de 1797, puis ministre prudent et réformateur en 1820, sous Victor-Emmanuel. L’auteur des Espérances de l’Italie éliminait successivement tous les rêves, toutes les chimères, toutes les utopies, et il en venait à une conclusion singulière peut-être : il rattachait l’affranchissement italien à la dissolution de l’empire ottoman, qui offrirait à l’Autriche des compensations sur le Danube ; mais dans le fond il partait d’un principe immuable, c’est que l’Italie était mal organisée. Porro unum est necessarium, disait-il ; une chose est nécessaire, l’indépendance. Et, dans un langage d’une gravité émue et sincère, il laissait pressentir ses vœux d’émancipation nationale et de monarchie constitutionnelle.

Esprit d’une nature différente, poète, peintre, publiciste, ayant la facilité de tous les arts et l’intelligence des questions politiques, M. Massimo d’Azeglio, dans une esquisse spéciale d’une récente tentative révolutionnaire de la Romagne, développait les mêmes principes. — Point d’insurrection, disait-il en résumé dans les Casi di Romagna, point de tentatives à main année. Exposer les injustices, signaler les abus, faire ressortir les intérêts de l’Italie, c’est le seul mode d’action. — « La grande œuvre de notre régénération, ajoutait-il avec une familiarité pittoresque, peut se conduire les mains dans les poches. » Ce qu’il y avait de remarquable dans ces ouvrages, c’est qu’ils étaient l’expression d’une force intelligente et modératrice qui, pour la première fois, prenait une place imposante dans la vie politique en Italie. Ils signalaient l’avènement d’une opinion modérée, et cette opinion elle-même était une garantie pour les princes italiens, placés jusque-là dans l’alternative de devenir les prisonniers de guerre du radicalisme, ou de se rejeter vers l’absolutisme le plus inflexible et vers l’Autriche.

Ce n’est pas que les divisions eussent disparu tout à coup du sein de l’Italie comme par enchantement. C’est la plaie invétérée de la péninsule italique, on le sait, d’avoir beaucoup de partis, et les ouvrages eux-mêmes de Gioberti, de Balbo, de M. d’Azeglio, en cherchant à réunir toutes les pensées, ne faisaient que constater la diversité de leurs tendances, l’étrange amas de leurs contradictions. À travers tous les prestiges d’un mouvement chaque jour plus puissant, on pouvait distinguer bien des nuances qui variaient selon les pays, souvent selon les villes. Il y avait l’esprit républicain fanatique et creux, entretenu dans les conciliabules de la jeune Italie, disciplinée par M. Mazzini, rêvant une péninsule unitaire, l’Italie du peuple après l’Italie des rois, la Rome du peuple après la Rome des papes, mots éternellement vides et dépourvus de tout sens réel. — Il y avait aussi des républicains fédéralistes, chez qui vit plus fortement