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de talens pour en devenir le chef, parce qu’on s’est enfin rendu compte du danger réel, qui consiste dans la désaffection de l’armée, et qu’on travaille à former une armée fidèle s’il est possible. Il y a sans doute ici beaucoup de mécontentemens, de dissentimens, de bavardages, de rapports plus ou moins alarmans, mais rien qui ressemble à une conspiration sérieuse, et j’ai la conviction que le roi se soutiendra, si ses courtisans et sa famille ne le forcent pas à prendre certaines mesures qui inquiéteraient les propriétaires de biens nationaux. »

Ces espérances, tempérées seulement par l’inquiétude qu’inspiraient les dangereuses exagérations de l’entourage de Louis XVIII, se trouvent reproduites dans une lettre que le duc de Wellington écrivait à l’empereur Alexandre : « Je crois, y disait-il, que nous réussirons à fonder le gouvernement du roi en France, et je suis sûr que si nous ne réussissons pas, ce sera faute de sagesse, non du roi, mais de sa famille et de ceux qui l’entourent. » Dans une autre lettre du duc adressée à lord Exmouth, commandant des forces navales anglaises à Toulon, il s’exprimait ainsi à l’occasion d’un de ces actes arbitraires qui attristaient alors le midi : « Quoi qu’un homme puisse avoir fait pendant une révolution qui a duré vingt-cinq années, il ne peut être arrêté et emprisonné arbitrairement, si l’on veut mettre fin à la révolution et donner enfin à la France un gouvernement juste et légal… Mais je crains bien que l’opinion que j’énonce ne soit fondée sur des principes que les habitans de ce malheureux pays, et particulièrement les royalistes, ne comprendront jamais. »

Ce qui donne plus de poids aux jugemens rigoureux que le duc de Wellington, à l’exemple de lord Castlereagh, portait alors sur les torts des royalistes, c’est qu’il n’entrait nullement dans sa pensée d’exagérer ces torts, et qu’il était plutôt disposé à les atténuer dans les cas où il pouvait le faire sans manquer à sa conscience. Ainsi, lorsque la nouvelle du massacre de quelques protestans dans le midi et de la fermeture violente des temples de Nîmes, parvenue à Londres avec beaucoup d’exagérations, eut répandu parmi nos voisins la crainte que leurs coreligionnaires de France ne devinssent l’objet d’une persécution générale, il s’empressa d’écrire au président d’une société religieuse qui les avait recommandés à sa protection que ces alarmes étaient mal fondées, que les assassinats du Languedoc étaient en réalité des actes de vengeance politique, et que le gouvernement faisait tout ce qui était en son pouvoir pour y mettre fin. Ces atténuations prirent, ou peu s’en faut, le caractère d’une apologie dans une lettre qu’il écrivit peu de jours après à l’un des sous-secrétaires d’état des affaires étrangères, Edward Coke : «… Les protestans, y disait-il, à Nîmes et dans les environs, sont et ont été, depuis le commencement de la révolution, jacobins et bonapartistes. Ce sont