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fantaisie de quelques beaux-esprits est même aujourd’hui de nous y ramener. Le XVIe siècle avait, sans grande opposition de la part de l’église, réduit souvent toute la piété à un vain formalisme, et la doctrine catholique ainsi défigurée ne prêtait que trop à la critique des réformateurs. Malheureusement cette critique une fois lancée ne pouvait s’arrêter à quelques pratiques, à quelques coutumes insignifiantes ; les œuvres de la pénitence en général n’y devaient pas échapper, et par suite l’attaque devait porter jusqu’au sacrement de la pénitence. Ce sacrement n’est pas en effet sans rapports avec la doctrine de la justification par les œuvres. La confession, telle qu’elle est pratiquée, la rémission des péchés par le prêtre sont dans le même cas. Le tout se lie à l’idée du purgatoire, qui elle-même ne résulte pas avec une pleine évidence de la lettre de l’Écriture. Le tout ne pouvait manquer d’être traité de doctrines purement sacerdotales, de traditions établies ou conservées dans l’intérêt du clergé. Quand on en est là, comment s’arrêter devant un sacrement plus auguste ? La messe était, à quelques égards, considérée comme une œuvre satisfactoire. La dire, l’entendre, la demander, la fonder à prix d’argent, était un acte de piété qui pouvait servir à délivrer un fidèle des peines du péché en ce monde ou dans l’autre. Or la célébration de la messe est assurément la première des fonctions du saint ministère, et le pouvoir de consécration, que le droit de la dire suppose dans le prêtre, est ce qu’il y a de plus grand dans ses prérogatives. C’en était assez pour que le protestantisme retrouvât dans la messe les principaux caractères qui excitaient ses doutes et sa sévérité ; il y voyait une institution de l’église et non de l’Évangile.

Enfin la communion elle-même pouvait avoir été souvent comprise par le vulgaire comme ayant pour la sanctification une vertu indépendante de la foi de celui qui la donne ou qui la reçoit. C’était d’ailleurs l’église qui, sans se fonder sur aucun texte, avait supprimé la communion sous les deux espèces. Et, chose plus grave, c’était l’église, on le prétendait du moins, qui avait dans le sacrement de l’autel augmenté la part du miracle extérieur aux dépens du miracle intérieur de la foi. Ainsi amenée, une interprétation plus ou moins spécieuse de l’Écriture conduisit les réformés à concevoir dans la consécration du pain et du vin — soit la présence réelle du Sauveur sous les espèces visibles sans transsubstantiation, — soit un signe extérieur institué en souvenir de la pâque évangélique, pour exciter et pour accroître la foi du chrétien dans le divin sacrifice de la croix. En effet, ces deux interprétations ont eu cours dans le protestantisme, et il est évident qu’elles sont nées encore du dogme de la justification par la foi. Elles viennent d’un besoin de spiritualité peut-être excessif ; elles témoignent d’une aversion consciencieuse et passionnée