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qui, dans la circonstance, pouvait réussir. Les conventions du 22 août s’appliquaient à un objet distinct sur lequel on était parvenu à tomber d’accord, c’est-à-dire à la suppression de la contrefaçon ; mais, ce point vidé, chacun recouvrait, pour l’ensemble des tarifs de douane, sa liberté de mouvement, et la Belgique ne devait pas être surprise que, traités défavorablement chez elle, nous fussions peu disposés à continuer de la traiter favorablement chez nous. On lui disait d’ailleurs que les mesures dont elle se plaignait n’avaient d’autre but que de ramener à reprendre sérieusement, dans son propre intérêt comme dans le nôtre, les négociations auxquelles M. Ch. Rogier n’avait point concouru avec l’empressement nécessaire. Mais il y avait probablement dans cette lutte épistolaire, engagée entre les deux cabinets, autre chose qu’un débat commercial : le style acerbe des dépêches indiquait assez clairement que la querelle suscitée à propos des houilles était surtout une querelle politique, et que l’ensemble des rapports diplomatiques était gravement compromis. De là des appréhensions très sérieuses qui heureusement ne furent pas de longue durée. M. Ch. Rogier fui renversé, M. H. de Brouckère devint ministre des affaires étrangères de Belgique, et, par un traité signé le 9 décembre 1852, la convention de 1848 fut remise en vigueur à partir du 15 janvier suivant jusqu’à la conclusion d’un traité définitif ; l’échange des ratifications des deux conventions du 22 août fut ajourné à la même époque. Les négociations se suivirent à Bruxelles, et elles aboutirent enfin, après tant de retards et de vicissitudes, au traité du 27 février 1854 !

Voici en peu de mois l’économie de ce traité. La Belgique a obtenu de la France : 1° le maintien des clauses de la convention de 1845 pour les fils de lin et de chanvre, une réduction nouvelle de 15 pour 100 sur les droits d’entrée des tissus, mais jusqu’à concurrence de 2 millions de kilogrammes par année, l’adoption de types plus favorables pour le classement des toiles et l’admission au transit par la France des toiles fabriquées en Belgique avec des fils étrangers, faculté qui n’était antérieurement accordée qu’aux tissus fabriqués avec des fils belges ; 2° la garantie d’une réduction de 10 pour 100 sur le tarif général dans le cas où les droits appliqués en France aux bestiaux étrangers par le décret du 14 septembre 1853 seraient exhaussés ; 3° la levée de la prohibition sur les faïences de terre de pipe et de grès fin, et l’établissement d’un tarif représentant environ 30 pour 100 de la valeur ; 4° des suppressions ou abaissemens de droits sur les écossines, la chaux, les glaces, les machines et mécaniques, les tresses et chapeaux de paille ; 5° l’admission des denrées coloniales, qui sont prohibées à l’entrée de la frontière de terre par notre loi du 28 avril 1816 ; 6° la réduction à 2 francs du droit de tonnage applicable au pavillon belge dans les ports d’Algérie ; 7° la garantie, conditionnelle toutefois, que les droits sur les houilles et les fontes belges ne seront pas augmentés.

En échange de ces avantages, la Belgique a concédé à la France : 1° le maintien des faveurs accordées par la convention de 1845 aux vins et aux tissus de soie, une bonification de 7 pour 100 pour les sels bruts à titre de déchet[1],

  1. La convention de 1845 avait fixé le déchet à 12 pour 100 ; mais ce taux ne pouvait être maintenu, par suite des engagemens pris par la Belgique envers la Grande-Bretagne dans un traité de navigation et de commerce conclu en 1851.