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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 juin 1854.

Il en est de la question qui agite aujourd’hui l’Europe comme de toutes les grandes affaires, qui s’aggravent à mesure qu’elles se prolongent, et dont les conséquences finissent inévitablement par réagir sur toutes les conditions de la politique. Plus les intérêts qu’elles embrassent sont nombreux et considérables, plus ces conséquences sont décisives, et le jour où à travers toutes ces étapes marquées par des négociations et des protocoles inutiles, on se prend à observer le point d’où on est parti, le point où l’on est arrivé, il se trouve qu’on est en face d’une situation entièrement nouvelle. Un simple coup d’œil jeté sur cette situation nouvelle révèle le chemin qu’on a fait.

Il y a quinze mois, lorsque le tsar envoyait à Constantinople un ministre porteur d’une sommation hautaine, c’était un acte d’intimidation qui n’affectait encore qu’un point spécial dans les rapporta entre la Russie et la Sublime-Porte ; aujourd’hui c’est l’ensemble des relations des deux états, c’est la prépondérance de la Russie en Orient qui est en question. Non-seulement il ne s’agit plus d’une interprétation plus ou moins large des traités, mais il s’agit de l’existence de ces traités. À l’origine, la démarche de la Russie trouvait une Europe préoccupée et attentive, nullement ennemie et encore moins disposée à saisir l’occasion de créer des combinaisons nouvelles ; en ce moment, c’est le système tout entier de la politique européenne qui se transforme sous nos yeux. Lorsqu’il y a un an l’empereur Nicolas envahissait le territoire ottoman et faisait marcher ses troupes vers le Danube, la Turquie n’avait point d’armée à lui opposer, les puissances occidentales retenaient leurs flottes et leurs soldats, pour mieux laisser à la diplomatie toute son efficacité ; actuellement la Turquie a une année courageuse, campée sur le Danube ; nos vaisseaux sont dans la mer Baltique et dans la Mer-Noire, nos soldats sont sur la route d’Andrinople ou de Varna.

Nous savons bien des hommes en Europe et même en France peut-être qui