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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/210

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Théâtre-Italien l’un de ses anciens opéras, la Finta filosofa, qui fut accueilli avec bienveillance, puis il s’essaya sur le théâtre Feydeau par un petit acte, Julie, qui n’eut point de succès, et qu’il retoucha et lit représenter de nouveau sous ce titre : le Pot de Fleurs. Protégé par Elleviou, qui l’avait pris en affection, Spontini composa la musique d’un nouvel opéra-comique en un acte, Milton qui lut donné le 27 novembre 1804. Cet ouvrage, dont les paroles sont de Jouy et Dieulafoi, est dédié à l’impératrice Joséphine. On y remarque une jolie romance de soprano. J’aurai le sort de la fleur des déserts, un hymne au soleil pour voix de basse d’un beau caractère, O toi dont l’univers atteste les miracles! un agréable nocturne à trois voix et un quintetto très développé qui débute par ce vers que Milton aveugle dicte à sa fille : Au sein du plus riant bocage. L’accompagnement de ce morceau, rempli de modulations et d’incidens rhythmiques, témoigne suffisamment que ce sont là les préludes d’un génie dramatique qui cherche sa voie. Après d’autres essais plus ou moins insignifians sur lesquels il est inutile d’insister, Spontini obtint, non sans peine, que Jouy lui confiât le poème de la Vestale, qui était reçu depuis longtemps et qui avait été refusé tour à tour par Cherubini et Méhul.

L’histoire de la mise en scène de la Vestale est l’un des chapitres les plus curieux de la vie d’un grand artiste. On peut dire sans exagération que tout le monde a mis un peu la main à l’édification de cette œuvre singulière, où l’inexpérience du compositeur et ses nombreux tâtonnemens ne refroidissent pas un instant son inspiration. Les répétitions durèrent plus d’un an. Chaque morceau fut retouché et souvent recommencé plusieurs fois, ce qui fit monter les frais de copie à la somme assez considérable de dix mille francs. Enfin, après mille obstacles de toute nature, qui ne purent être aplanis que par un ordre de la cour, la première représentation de la Vestale eut lieu le 15 décembre 1807 avec un succès immense qui a duré trente ans. Passant tout à coup de l’obscurité à la gloire, comblé de faveurs, ayant obtenu le prix décennal fondé par Napoléon, Spontini donna Fernand Corlez en 1809, et dix ans après, en 1819, Olympie, tragédie lyrique imitée de Voltaire par Dieulafoi et Briffaut, dont le succès fut loin de répondre aux espérances de l’auteur. Blessé du froid accueil qu’on avait fait à une partition qu’il croyait destinée à une popularité plus grande que celle de la Vestale, Spontini résolut de quitter la France, en acceptant les offres que lui faisait depuis longtemps le roi de Prusse, grand admirateur de sa musique.

C’est en 1820 que Spontini alla se fixer à Berlin, où il fut nommé directeur de l’Opéra et de la musique du roi. Pendant son séjour dans la capitale de la Prusse, Spontini, dont l’existence ne fut pas sans amertume, a composé trois nouveaux opéras : Nurmahal, Alcindor et Agnès de Hohenstaufen, que Spontini considérait comme son chef-d’œuvre. Malgré ses succès et sa haute position, Spontini a rencontré à Berlin d’implacables ennemis, parmi lesquels se fit remarquer M. Rellstab, homme d’esprit et critique distingué. Dans la longue polémique qui s’éleva contre l’auteur de la Vestale, dont le caractère n’était rien moins que pacifique, on est allé jusqu’à l’accuser d’avoir dérobé la plus grande partie des idées qui ont fait sa réputation. Ces accusations banales, dont Rossini et Meyerbeer n’ont pas été exempts, sont très fréquentes au-delà du Rhin et constituent une des infirmités de la critique allemande. En 1837, après la mort de Paër, Spontini fut nommé membre de