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la fiole et le papier), et voici la manière de s’en servir. Malheureusement aucun de ces pauvres gens ne sait lire. Vous leur expliquerez ce qu’il y a à faire. — François va vous conduire jusqu’à la petite porte de mon jardin ; vous trouverez là un sentier qui vous mènera directement à la chaumière du malade : c’est un bûcheron nommé Kado… Il n’y a pas de fée sans bûcheron, vous savez… François !… Eh bien ! où est-il ?

François, rentrant avec une lanterne allumée et un grand manteau.

Tenez, monsieur,… prenez ça, — ou jamais vous ne vous en tirerez vivant…

Le Comte.

Merci bien, mon bonhomme. (Il prend la lanterne et se couvre du grand manteau. — À part, se voyant dans la glace :) Me voilà bien équipé ;… je ressemble à Diogène ! Allons, partons !

Mademoiselle de Kerdic.

Vous reviendrez ?

François.

Parbleu ! ne faut-il pas qu’il rapporte notre manteau et notre lanterne ?

Le Comte.

Oui, certainement… je reviendrai vous faire mes adieux. (Il sort avec François par la petite porte qui s’ouvre à gauche du buffet.)



Scène VI.

MADEMOISELLE DE KERDIC, seule un instant ; — puis HECTOR DE MAULEON, YVONNET, FRANÇOIS.
Mademoiselle de Kerdic, pensive.

Il faudrait être, je le crains, plus qu’une fée… Il faudrait être un ange même du Seigneur pour retirer un homme d’un si profond abîme… (On entend des coups violens frappés du dehors contre la porte de la maison.) Quel est ce bruit ? (Les coups se répètent.) C’est à ma porte ? Qui peut venir à cette heure ? (Elle a entr’ouvert la grande porte du fond et prête l’oreille ; on entend des bruits de voix.) Le vicomte de Mauléon !… Ah ! cet ami dont il me parlait… Faites monter, Marthe. (Elle prend un ouvrage de tapisserie et s’assoit. Entre Hector, suivi d’Yvonnet ; Hector est en costume de chasse et porte deux pistolets passés dans sa ceinture ; Yvonnet se tient un peu en arrière et paraît intimidé ; tous deux promènent un regard curieux autour du salon ; mademoiselle de Kerdic, qui s’est levée pour rendre à Hector son salut, reste debout et continue de travailler à sa tapisserie, tout en parlant.)

Hector.

Madame, je suis un peu confus de forcer votre porte ; mais un devoir impérieux m’y a contraint. — Madame, je me nomme…

Mademoiselle de Kerdic.

Le vicomte Hector de Mauléon, je pense ?

Yvonnet, qui se trouble de plus en plus, le tirant par la manche.

Elle sait votre nom, monsieur !