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tomber entre leurs mains un diplomate français, M. de Saint-Aignan, accrédité auprès de la cour de Weimar, ils le firent amener à Francfort, où se trouvait alors le grand quartier-général des souverains, et le 9 novembre, avant de lui rendre la liberté, les ministres des cours alliées le chargèrent de porter à l’empereur Napoléon des propositions dont voici la substance : la France devait rentrer dans ses limites naturelles, le Rhin, les Alpes et les Pyrénées ; l’Angleterre, alors en possession de toutes les colonies françaises, était disposée à faire de grands sacrifices, c’est-à-dire à en restituer une partie pour prix d’un arrangement qui aurait rendu le repos au monde. — Ces propositions furent énoncées et développées avec un ton de franchise et de bienveillance, avec des ménagemens de langage qui prouvaient un désir sincère de conciliation : ce n’était pas ainsi qu’on avait négocié à Prague et que l’on devait plus tard négocier à Châtillon. Les passions vindicatives qui animaient les cabinets comme les peuples semblaient s’être endormies pour un instant ; on parlait de la France avec considération, avec respect, on protestait contre la pensée de vouloir l’humilier ou la faire déchoir de la position élevée à laquelle on lui reconnaissait des droits. Dans cette effusion de courtoisie, on alla jusqu’à charger M. de Saint-Aignan de transmettre des témoignages de haute estime et de confiance à son beau-frère, le duc de Vicence, qu’on supposait devoir être chargé de la négociation, et qu’en effet Napoléon appela quelques jours après au ministère des relations extérieures.

C’était M. de Metternich qui portait la parole au nom de l’alliance, et M. de Metternich, par tempérament comme par position, était sans doute le plus modéré des personnages influens de la coalition ; mais la Russie était représentée dans cette conférence par M. de Nesselrode, chargé du portefeuille des affaires étrangères, qui se déclara autorisé à garantir aussi l’assentiment de la Prusse, et l’Angleterre elle-même, par lord Aberdeen, qui, fort jeune encore, commençait alors sa carrière comme ambassadeur auprès de la cour de Vienne. Tous donnèrent leur adhésion à la note que M. de Saint-Aignan rédigea sous leurs yeux comme le résumé des importantes communications dont on venait de le charger, et il est à remarquer que lord Aberdeen, en élevant contre un passage de cette note des objections de pure forme, sur lesquelles il n’insista même pas, constata d’autant mieux son approbation du sens général qu’elle exprimait.

Ce qu’on offrait donc de laisser à la France vaincue au-delà de ce qu’elle possédait avant la guerre de la révolution, c’était la Belgique, la rive gauche du Rhin et la Savoie, moyennant la cession d’une partie de ses colonies, qui se trouvaient toutes en ce moment au pouvoir des Anglais. Un tel résultat d’une guerre aussi longue,