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Voyons donc quelles furent les réponses de l’agent électrique, quelle que soit d’ailleurs son essence, aux questions de la science expérimentale.

La foudre est-elle l’électricité ? Oui, car avec les batteries électriques de nos cabinets on foudroie les animaux comme ils sont foudroyés par l’action des nuages orageux ; oui, car on peut soutirer l’électricité des nuages, de l’air et du sol pour l’employer comme celle des batteries artificielles. Enfin ces notions conduisent Franklin à l’utile invention du paratonnerre.

Il ôte au ciel la foudre et le sceptre aux tyrans,

comme on le disait dans le langage prétentieux de la fin du dernier siècle. Le physicien Charles fait plusieurs fois taire des orages en envoyant aux nuages un cerf-volant à fil métallique qui fait écouler en silence le fluide foudroyant. On peut voir au Conservatoire des Arts et Métiers le tabouret vernissé qui supportait le fil du cerf-volant. Ce support en bois est pour ainsi dire grillé par la matière de la foudre qui ruisselait à l’entour en cascade de feu. Je passe mille observations des plus curieuses.

En voyant l’électricité agir si fortement sur les animaux, sur les plantes et sur l’homme, on lui demande des effets physiologiques : on en obtient par centaines. Sans compter le choc de la bouteille de Leyde et le piquant des étincelles, on reconnaît que toute l’organisation animale pour la sensibilité, le mouvement, les fonctions digestives, les sécrétions, la nutrition, le développement des organes est sous l’empire de l’électricité de l’être vivant. Et pour ne point faire d’allusions en l’air à vingt volumes qui contiendraient à peine ce que nous savons sur l’électricité organique, je citerai les faits suivans que l’on commence presque à oublier. Lorsque Volta eut inventé l’appareil qui produit sans fin de l’électricité et que l’on appelle, pile de Voila, Aldini, neveu de Galvani, lequel avait aperçu les premiers faits qui menèrent Volla à sa grande découverte, essaya l’action de la pile voltaïque sur des animaux tués et sur des hommes suppliciés ou qui avaient succombé à des accidens. Il obtint de remarquables effets. Plus tard, Aldini étant venu à Paris, on répéta en grand plusieurs de ses expériences à l’école vétérinaire d’Alfort près Paris. Là on vit la tête d’un boeuf, détachée du corps et placée sur une table d’amphithéâtre, excitée par le courant électrique ; ouvrir les yeux et les rouler en fureur, enfler ses naseaux, secouer ses oreilles comme si l’animal eût été vivant et se fût préparé a un combat. Sur une autre table, les ruades d’un cheval tué faillirent blesser les assistans et brisèrent les appareils placés auprès de l’animal mort. Plus tard, en Angleterre, des physiologistes achetèrent d’un criminel condamné à mort son propre cadavre (marché usité dans ce pays) pour vérifier les théories électro-animales, et aussi dans l’intention charitable de rappeler le pendu à la vie et de le moraliser ensuite. Le résultat fut terrifiant. Le cadavre ne revint pas à la vie, mais une respiration violente et convulsive fut reproduite, les yeux se rouvrirent, les lèvres s’agitèrent, et la face de l’assassin, n’obéissant plus à aucun instinct directeur, présenta des aspects de physionomie si étranges, que l’un des assistans s’évanouit d’horreur et resta pendant plusieurs jours frappé d’une véritable obsession morale. Les Fusely, les Kean, les Talma, dans leur mimique de criminels de théâtre, n’étaient rien auprès de cette nature désordonnée.