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de la cause de l’indépendance européenne. Enfin l’efficacité de la guerre est compromise, car les complications infinies qui dans cette hypothèse en dénatureront l’objet mettront la Russie à couvert, détourneront la répression suspendue en ce moment sur elle, et lui permettront d’arriver à ses fins en Orient à la faveur des déchiremens qui occuperont et consumeront l’Occident. Au contraire la perspective s’éclaircit, les périls s’effacent, tout se simplifie et se régularise en Europe, si l’Autriche et l’Allemagne nous prêtent dans l’action le concours qu’elles nous ont loyalement et persévéramment donné depuis un an dans la phase diplomatique de la question d’Orient. Alors la guerre ne dévie pas de son but : elle oppose une infranchissable barrière à l’ambition débordante de la Russie ; — elle ne sort pas de ses proportions naturelles : elle est renfermée dans les limites qui mettent à l’abri la paix morale, la sécurité et l’activité industrielle et commerciale du continent ; elle est concentrée sur les frontières de la Russie ; — elle conserve son caractère régulier : les élémens révolutionnaires se contiennent, car entre la ligue de la liberté européenne et l’autocratie russe il n’y aurait plus pour eux d’autre rôle que celui d’auxiliaires et d’agens de la Russie ; la guerre reste politique ; — elle a toute son efficacité, car elle rend l’Allemagne à la possession d’elle-même et à la mission que son rang dans la civilisation et sa position géographique lui assignent, la mission de garde avancée de l’Europe contre les invasions de l’autocratie religieuse et politique et de la barbarie orientale. Tel est le dilemme sur lequel l’Autriche et l’Allemagne sont appelées à se prononcer, et qui tient les esprits en suspens en France et en Angleterre. Pour nous, il y a longtemps que le doute n’existe plus sur cette grave question. À l’heure où nous écrivons, le gouvernement autrichien a fait son choix ; l’Autriche sera avec nous dans la phase militaire comme elle a été avec nous dans la phase diplomatique. Nous voudrions communiquer cette certitude à nos lecteurs, en suivant pas à pas la marche du gouvernement autrichien, et en mettant en lumière l’enchaînement, la progression et la portée de ses actes depuis six mois. La France et l’Angleterre n’attendent plus de l’Autriche qu’un dernier mot ; il ne reste plus à ce dernier mol que d’être officiellement prononcé : on le lira d’avance dans le récit que nous allons faire.

Si l’on n’avait tenu un compte exagéré des embarras intérieurs de l’Autriche et des liens accidentels que ces embarras l’ont obligée de contracter avec la Russie à la suite de la révolution de février, les doutes que le public a pu concevoir sur la conduite de l’Autriche dans la crise actuelle n’auraient pas soutenu la réflexion. En mettant en effet de côté ces circonstances passagères, nous avons à première vue deux garanties infaillibles de la résistance que la politique