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de ses anciennes conquêtes et d’entretenir son esprit militaire et sa vanité… Vous me direz en temps et lieu quels vous paraissent être à cet égard les sentimens des autres souverains alliés. »

Il semblerait que cette lettre prit lord Castlereagh tout à fait au dépourvu : il s’empressa de répondre que l’on n’amènerait jamais l’empereur Alexandre à appuyer de pareilles répétitions, et qu’il doutait même que l’Autriche s’y prêtât ; il ajouta que le duc de Wellington les jugeait imprudentes, que lors de la capitulation de Paris il s’était refusé, il est vrai, à l’insertion d’un article demandé par les commissaires français pour la garantie des monumens et des objets d’art, mais qu’en même temps il les avait engagés à compter sur la bienveillance habituelle des souverains. Ces argumens ne parurent pas péremptoires à lord Liverpool. Dans une seconde lettre, non moins singulière que la précédente, et qui avait au moins le mérite d’une grande naïveté, il parla de la forte sensation que produisait en Angleterre la question de la spoliation des tableaux et des statues : « Le prince régent, dit-il, désire en avoir quelques-uns pour les placer ici dans un musée ou une galerie. Les gens de goût, les virtuoses encouragent cette idée. Les hommes raisonnables penchent en général pour la restitution aux anciens possesseurs, mais ils pensent avec raison que nous y avons de meilleurs titres que les Français, si une guerre légitime constitue un titre en pareille matière, et ils trouvent que ce serait une fort mauvaise politique que de laisser à Paris ces trophées des victoires françaises… Ne peut-il donc y avoir quelque compromis sur cette question ? »

Lord Castlereagh dut céder à cette insistance. La question d’ailleurs n’était plus entière. La Prusse, les Pays-Bas, élevaient pour leur compte des réclamations qui se présentaient, surtout de la part du cabinet de La Haye, sous un aspect particulièrement favorable à raison des circonstances dans lesquelles avaient été enlevés les objets d’art dont ils réclamaient la restitution. Louis XVIII s’était laissé aller à faire au roi de Prusse des promesses qui rendaient difficile pour ses ministres une résistance absolue. Lord Castlereagh en prit occasion d’entretenir les ministres alliés de l’ensemble de l’affaire. Il les trouva unanimes à penser qu’il y avait une résolution à prendre, mais assez embarrassés pour établir le principe sur lequel elle serait fondée. « Leur disposition, écrivait-il le 17 août, est de faire beaucoup dans le sens de ce qu’on réclame, mais non pas cependant d’exiger une restitution totale. L’idée de distinguer ce qui est uniquement le fruit de la conquête de ce qui a été cédé par un traité ou acheté se présente comme une base que l’on pourrait adopter… Il y a encore une autre question à examiner, c’est celle de savoir si les dépouilles des pays dont la réunion