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IV

« Ce qu’il faut faire en général, écrivait Mme de Sévigné au comte de Grignan le 1er janvier 1672, c’est d’être toujours très passionné pour le service de sa majesté ; mais il faut tâcher aussi de ménager les cœurs des Provençaux, afin d’être plus en état de faire obéir au roi dans ce pays-là. » Le comte de Grignan suivit fidèlement ce conseil pendant toute la durée de sa longue administration, et s’en trouva bien. Docile aux avis de Mme de Sévigné, il s’étudia toujours à se faire aimer des Provençaux, qui, du reste, on l’a déjà vu, ne se montraient pas ingrats à son égard. Au mois de novembre 1671, l’assemblée des communes était réunie à Lambesc. Mme de Grignan étant accouchée d’un fils le 17, le comte de Grignan se rendit le lendemain à l’assemblée pour lui faire, comme on dirait aujourd’hui, une communication. Ecoutons à ce sujet le procès-verbal officiel de la séance. Les détails qu’il donne sur ce point sont curieux sous plus d’un rapport : c’est comme une peinture du temps que l’on gâterait en la retouchant.

« Mgr le comte de Grignan vint offrir à l’assemblée le fils qu’il a plu à Dieu de lui donner dès le jour d’hier, et de vouloir bien lui faire la faveur de le tenir au nom de toute la province sur les fonts du baptême, et de lui donner tel nom qu’il lui plaira… Sur quoi l’assemblée a délibéré que messieurs les procureurs-généraux du pays témoigneront à Mgr le comte de Grignan et à Mme sa femme la joie de toute la province, et particulièrement de l’assemblée, sur la naissance de ce premier mâle dans sa famille, et lui feront de très humbles remerciemens de l’honneur qu’il avait fait à la province de le faire tenir de sa part pour recevoir les saintes eaux du baptême, avec tous les sentimens d’amour et de reconnaissance possibles. Et l’assemblée a délibéré que les frais en seront supportés par le pays, suivant le rôle qui en sera tenu par le sieur Pontevès, trésorier des états. » Les procureurs du pays tinrent en effet sur les fonts de baptême le fils du comte de Grignan, qu’ils appelèrent d’un nom princier, Louis de Provence, attention délicate dont on leur fut sans doute fort reconnaissant[1].

Aussitôt après la clôture de l’assemblée, Mme de Grignan avait quitté Aix pour aller habiter avec son mari le château de famille qu’il possédait à quelques lieues de Montélimart. Le comte et la comtesse de Grignan affectionnaient ce séjour pour plusieurs motifs. D’abord

  1. Mémoires sur madame île Sévigné, etc., t. IV, p. 17. — Statistique des Bouches-du-Rhône, etc., t. Il, p. 520.