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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/1116

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sculpture en France dans les travaux de Puget, de Pigalle et de Bouchardon. Telles étaient les injustices systématiques, la manie d’exclusion qui prévalaient encore parmi nous sous l’influence de David et dans les écrits de ses disciples. Aujourd’hui, la critique d’art a plus d’équité et de claivoyance, et le premier symptôme de cette réaction, c’est un ensemble déjà considérable d’études sur des circonstances historiques parfaitement ignorées de nos devanciers. Plusieurs publications sont venues en peu de temps nous rendre familière l’étude de nos anciens édifices et expliquer les origines de l’art, ses développemens, ses transformations diverses ; nous avons appris à mieux respecter nos gloires, à honorer les rares talens des artistes français qui ont construit ou dont le ciseau a décoré tant d’églises et de palais depuis le XIe siècle jusqu’au XVIIe. En un mot, tout ce qui intéresse l’histoire de l’architecture et de la sculpture est maintenant mis en lumière. Peut-être même serait-il temps que ce zèle archéologique commençât à se modérer, et que, sous prétexte de retrouver des titres, on négligeât un peu moins de s’en créer de nouveaux : les architectes par exemple, à force de se complaire dans les recherches, n’en sont-ils pas venus à oublier en quelque sorte leur fonction d’artistes pour le rôle plus facile d’érudits ?

Peu importe cependant. Malgré quelques écarts, ce mouvement de retour vers le passé de l’art en France mérite qu’on l’encourage. Il s’en faut d’ailleurs qu’il se soit exercé dans toutes les directions avec une même vigueur, et ce n’est pas en ce qui concerne notre école de peinture et son histoire qu’on pourrait souhaiter qu’il se ralentît. Ici en effet tout ou presque tout est encore à déterminer. Bien des préjugés subsistent qu’il serait urgent de détruire, bien des erreurs dont il faudrait faire justice restent accréditées comme autrefois. La vie et les œuvres de Lesueur, de Poussin, de plusieurs autres maîtres, ont été, il est vrai, analysées et jugées soit avec une autorité sans réplique, soit avec une pieuse attention ; mais de pareils travaux, si intéressans qu’ils soient, nous font connaître seulement quelques hommes ou tout au plus quelques époques, et ne nous renseignent que de loin sur les progrès successifs de l’art. D’ailleurs on a choisi presque toujours pour objets d’étude les phases modernes de la peinture française, et peu d’écrivains ont poussé leurs investigations au-delà du temps où apparurent Vouet et ses élèves. Il semble qu’aujourd’hui on veuille se départir de ces habitudes de réserve, pour ne pas dire d’insouciance. Personne n’a entrepris encore de nous présenter un tableau complet des révolutions de notre école, ni même de nous révéler formellement ses origines, mais le cercle des études s’élargit ; on recherche avec soin et l’on rassemble des documens qu’une longue négligence avait laissé s’enfouir ou se disséminer ; l’attention qu’on