en se démettant ainsi de ses fonctions il entend bien avertir l’académie elle-même qu’elle ait à suivre son exemple. L’Académie osa résister cependant à cette menaçante injonction ; elle attendit quelques mois encore que le peintre des Horaces, tombé au rang des courtisans de Robespierre, la dénonçât à la convention comme entachée d’aristocratie et de despotisme, et qu’un décret, facilement obtenu d’ailleurs, vint supprimer une institution très libérale en réalité, ou, en tout cas, beaucoup moins tyrannique que le régime auquel ce même David allait soumettre notre école.
L’histoire de la peinture française pendant les deux derniers siècles se résume tout entière, on le voit, dans l’histoire de l’Académie. Or, sans prétendre relier absolument cette seconde phase de l’art à la phase déjà traversée, on peut dire que les travaux accomplis par les peintres académiciens sont loin d’être de tous points en désaccord avec les travaux qui les ont précédés. Les différences extérieures une fois constatées, — et rien n’est plus facile, — qu’y a-t-il au fond de toutes ces œuvres tantôt graves, tantôt d’un caractère familier, qu’on ne retrouve ailleurs soit en germe, soit en plein développement ? Il n’est pas besoin de faire remarquer l’analogie qui existe entre les tableaux de Poussin et les tableaux de ses successeurs immédiats, les fondateurs de l’Académie ; mais ceux-ci trahissent aussi une parenté et des origines plus anciennes. La chaste imagination de Lesueur ne rappelle-t-elle pas sous des formes plus larges les inspirations de notre école primitive ? Cette manière si limpide, si parfaitement exempte d’affectation et de recherche dans son ampleur même, semble une sorte de complément et comme la sobre paraphrase des intentions exprimées d’abord par le pinceau de nos miniaturistes, et peut-être les rapports de sentiment entre le peintre de Saint Bruno et ces modestes artistes sont-ils tout aussi étroits que les liens qui rattachent Raphaël aux quattrocentisti florentins. Dans un ordre d’art différent, cette intelligence profonde de la physionomie qui distingue les travaux d’Hyacinthe Rigaud, de Largillière et de tant d’autres savans peintres de portraits, est moins une qualité nouvelle que le perfectionnement d’une qualité dès longtemps inhérente aux œuvres de notre école. Sans doute, à ne considérer que l’exécution et le style, il y a loin du portrait de François Ier peint par le second Clouet aux portraits de Bossuet et de Louis XV enfant par Rigaud, ou à telle autre production de la même main ou de la même époque. Cependant ce qui préoccupe avant tout le portraitiste du XVIe siècle est aussi l’objet principal des études poursuivies avec tant d’éclat par les maîtres du genre au XVIIe. Comme lui, ils ne songent, en copiant la forme palpable, qu’à faire pressentir le rang, les habitudes morales, tous les caractères immatériels de leur modèle. Ils les