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dans ces pays d’une manière aussi belle et saintement ravissante que jadis aux bords bénis du Jourdain et sur les hauteurs sacrées du Liban. On n’a pas besoin de palmiers et de chameaux pour être honnête et bon.

Ce n’est peut-être pas seulement la perfectibilité des peuples dont j’ai parlé qui leur a fait adopter si facilement la vie judaïque dans leurs mœurs et dans leur manière de penser. La raison de ce phénomène se trouve peut-être aussi dans le caractère du peuple juif, qui a toujours eu une très grande affinité avec le caractère de la race germanique, et plus ou moins aussi avec le génie des Celtes. La Judée m’est toujours apparue comme un morceau de l’Occident perdu au milieu de l’Orient. En effet, avec sa croyance spiritualiste, avec ses mœurs austères et parfois ascétiques, avec sa vie sérieuse, contemplative et presque abstraite, ce pays et ses habitans formèrent toujours le contraste le plus singulier avec les pays et les peuples qui les entouraient, et qui, voués au culte le plus ardent, le plus coloré et le plus luxuriant de la nature idolâtrée, passaient leur existence dans la joyeuse ivresse des sens. Israël était assis pieusement sous son figuier, chantant la louange du Dieu invisible, et vivant de la vertueuse vie des justes, tandis que les temples de Babylone, de Ninive, de Sidon et de Tyr retentissaient du bruit des tambours et des timbales dans ces fêtes monstrueuses et infâmes, dans ces orgies sanglantes et lubriques dont la description nous fait encore aujourd’hui dresser les cheveux d’épouvante. Si l’on considère cet entourage impie, on ne peut assez admirer la grandeur précoce d’Israël. Quant à l’amour de la liberté qui régnait au sein de ce peuple juif, tandis que non-seulement dans son voisinage, mais chez toutes les nations de l’antiquité, et même chez les Grecs philosophes, l’esclavage était justifié et florissant, — je n’en veux pas parler ici, pour ne pas compromettre la bible auprès des puissans du jour. Jamais, non jamais il n’y eut de réformateur plus audacieux que notre maître et seigneur Jésus-Christ, et déjà Moïse donnait lui-même dans les réformes sociales, quoique en homme pratique et sensé il ait seulement cherché à transformer les usages de son temps relatifs à la propriété. Oui, au lieu de lutter avec l’impossible, au lieu de décréter par un coup de tête l’abolition de la propriété, il ne s’efforça que de la moraliser, il chercha à mettre la propriété en harmonie avec l’équité et le véritable droit de la raison, à la modifier selon les vrais besoins de l’humanité, et c’est ce qu’il opéra par l’établissement du jubilé, où tout héritage aliéné, qui chez un peuple agricole consiste toujours en terres, retombait en possession du propriétaire ; primitif, de quelque manière qu’il fût sorti de ses mains. Cette institution forme le contraste le plus tranché avec la prescription des Romains. Chez