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trouve tout un vaste système de ces terres ondulées où la récolte ne manque jamais, parce que les pentes y sont admirablement ménagées pour l’écoulement des eaux pluviales et tonnent autant de brise-vents en l’absence de toute végétation arborescente. Malheureusement ces régions fertiles sont trop distantes du littoral pour que l’échange des produits ne soit pas pour toujours relativement onéreux aux colons ; elles sont aussi trop élevées au-dessus du niveau de la mer pour que la plupart des cultures industrielles puissent s’y acclimater. Le tabac y est de qualité inférieure, et le coton n’y mûrit pas, bien que l’histoire dise qu’il était autrefois cultivé à Sétif ; mais nous sommes porté à croire qu’il n’était cultivé que dans les jardins et seulement à l’état de fleur pour la bonne odeur que cette fleur exhale. À défaut du coton, du tabac et de l’olivier, il faut que la colonisation cherche dans cette zone de l’intérieur une compensation dans la garance, dans le mûrier et surtout dans l’amandier à fruit amer, dont le commerce est si lucratif, et qui vient par forêts entières au pied du Bou-Taleb, à quinze lieues de Sétif[1].

En résumant ces observations sur la province de Constantine, nous trouvons autour de Bône, de Guelma, de Philippeville, de Constantine et de Sétif, 2 millions d’hectares de terres colonisables, et 4,000 colons à peine. L’aspect général de la province de Constantine se trouve figuré par une infinité de plis de terrain où le peuplement devrait s’éparpiller par petits groupes isolés : ces localités fertiles, mais bornées, forment la plus grande et la meilleure part des 2 millions d’hectares colonisables. Les travaux préparatoires à entreprendre sur le sol ainsi parcellé, pour y faire l’installation de 400,000 colons dans des conditions de culture favorables, seraient à peu près nuls, en exceptant la plaine de la Seybouse. Un climat plus doux, une température plus égale, des terres plus riches et mieux exposées pour la culture, tels sont les avantages naturels que la province de Constantine offre à la colonisation actuelle sur les deux autres provinces.

La province d’Alger, où nous sommes conduits en poursuivant ce voyage d’exploration agricole à travers notre colonie, présente une configuration tout autre que celle de la province de Constantine. À la place de ces abris restreints dont le peuplement par petits groupes s’accommoderait si bien, nous trouvons ici trois grands espaces concentriques, où le peuplement est obligé de s’agglomérer et de se masser. En dehors de ces trois bassins, qui sont la Mitidja, attenante à la mer, la vallée du Chéliff, séparée du littoral par le pâté montagneux du Dahra, et le plateau du Tittery, que la chaîne du Petit-Atlas sépare de la Mitidja, la province d’Alger n’offre à la colonisation aucun centre d’exploitation un peu considérable.

La Mitidja ! c’est là le rêve de tous les colons, c’est l’orgueil de l’Algérie. Il ne serait pas difficile de trouver en Afrique des terres plus riches et mieux préparées à la culture : on n’en trouverait pas de mieux disposées pour le plaisir des yeux et d’une exploitation plus attrayante. Ici, tout est enchantement, la terre et le ciel : l’aspect de ces lieux, éclairés par le plus beau soleil du monde,

  1. Les plaines voisines de Constantine et de Sétif sont d’ailleurs très favorables aux plantations d’arbres, et partout où naît un filet d’eau, la végétation arborescente s’épanouit comme par magie.