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premières invasions des Arabes. Ce beau pays était déchiré incessamment par les révoltes et par les luttes intestines des princes hindous. La forme du gouvernement y était essentiellement despotique, et les instituts de Mânou, qui approuvent et excitent si ouvertement chez les rois l’esprit de conquête, nous montrent sous un jour assez triste la situation générale des peuples de l’Inde.

En examinant avec attention dans quelles circonstances Bâbăr s’empara de l’Hindoustan, on arrive à cette conclusion, que le succès définitif de l’invasion du chef moghol est particulièrement dû à sa supériorité individuelle, comme aussi à la force que la race conquérante elle-même puisa dans son mélange avec les populations étrangères vaincues. — C’est ici le lieu de rappeler ce qui a été dit avant nous, mais qui trouve une application des plus frappantes dans la formation de l’empire moghol. De même que les familles qui se marient toujours entre elles ne tardent pas à dépérir, de même les nations qui se maintiennent trop longtemps dans l’isolement et repoussent le mélange des races étrangères s’énervent et s’affaiblissent. Le mélange des races au contraire, pourvu que leur organisation physique et leurs institutions ne diffèrent pas trop profondément, accroît leur force d’action et leur influence sur les autres peuples, de manière à rendre cette influence irrésistible, pour peu que les ressources de l’état ainsi constitué soient dirigées par la puissance d’un commandement unique et intelligent. De la sage combinaison des institutions diverses apportées par les races qui ont concouru à la formation de cet état, résulte également la force du gouvernement intérieur.

La conquête de Bâbăr, la résolution prise par lui de s’établir dans l’Hindoustan avec ses compatriotes (ce que n’avaient fait ni Mahmoud, ni Teimour), eurent pour résultat de mettre en contact durable les Tourks, les Moghols, les Pathâns et les Hindous. La fondation définitive de l’empire moghol par Akbăr présenta sur une échelle gigantesque la combinaison et l’emploi des forces vitales propres à ces races diverses. Là est le secret de la puissance d’Akbăr, là est son plus grand titre de gloire. Pour comprendre la difficulté de son entreprise, il faut lire dans les Mémoires de Bâbăr le curieux tableau que le conquérant moghol trace de la condition politique de l’Hindoustan au moment où il allait s’en rendre maître. On verra ainsi quelle grande tâche léguait Bâbăr à ses successeurs. Après avoir énuméré cinq princes musulmans et deux hindous, qu’il place en tête des nombreux souverains qui se partageaient l’Hindoustan central et la presqu’île, Bâbăr s’exprime ainsi :

« Le prince Nasserătt-Shâh, roi du Bengale, avait succédé à son père, Sayed-Soultân Allah-oud-din. Cette transmission du pouvoir suprême par voie de succession héréditaire est rare au Bengale. Il y a un trône destiné au roi, il y a