Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Romain qui étouffa de colère en entendant les ambassadeurs des Quades parler insolemment de l’empire, avait eu pour berceau la ville de Sabaria, sur la Save. Au temps où se passent les événemens de cette histoire, la Pannonie n’était pas tellement épuisée, qu’elle ne fournît encore des hommes d’élite, soit empereurs, soit généraux ; elle venait de donner au trône impérial Marcien et son successeur Léon, et devait lui donner bientôt Justinien. Aëtius, le vainqueur d’Attila, était originaire de Durostorum, la ville actuelle de Silistrie, tandis qu’Alaric, le vainqueur de Rome, avait vu le jour à l’embouchure du Danube, parmi les Goths de l’île de Peucé ; Attila lui-même, suivant toute probabilité, prit naissance sur la rive gauche du fleuve. Les grands ennemis et les grands défenseurs de Rome sortaient donc alors de ce pays, où le Romain et le barbare se coudoyaient et labouraient souvent le même sillon. C’était toujours la terre des batailles, celle où la mythologie antique avait placé le berceau du dieu Mars.

De grandes cités, dignes de l’importance de ces provinces, bordaient le Danube et s’échelonnaient entre le fleuve et les chaînes de montagnes qui ferment la vallée au midi. Presque toutes étaient fortifiées, et des camps retranchés, des châteaux, de simples tours, des remparts ou fossés garnis de palissades, distribués selon le besoin des lieux, se reliaient à chacune d’elles comme à un centre d’opération. Parmi ces ouvrages, beaucoup portaient le nom de Trajan, non moins populaire dans la vallée du Danube que celui de Jules-César dans les Gaules. Ingénieurs aussi habiles que grands généraux, les Romains savaient si bien choisir l’assiette de leurs places, que, malgré la révolution introduite dans l’art de la guerre par les découvertes modernes, ici le système général de défense a dû rester le même. Sirmium, la principale forteresse et la capitale de la Pannonie, a disparu, il est vrai, du lit de la Save qui en baignait le pourtour ; mais Belgrade s’élève sur le même terrain que Singidon, station des flottes romaines du moyen Danube, et Semlin remplace Taurunum à l’opposite de Singidon. Sémendrie, au confluent de la Morava, succède à la ville de Margus, le grand marché de ces contrées au temps des Romains, et l’ancienne Bononia, de création gauloise comme son nom l’indique, est représentée aujourd’hui par Widdin. C’était principalement sur le bas Danube, exposé aux attaques des Asiatiques, que les Romains avaient accumulé leurs moyens de protection. L’Hémus, qui court parallèlement au Danube, étant coupé, comme je l’ai dit, par sept défilés qui servaient de passage entre la Mésie et le nord de la Grèce, les Romains construisirent sur la rive gauche du fleuve, depuis Bononia jusqu’à Durostorum, sept grandes places correspondantes aux sept défilés, de telle sorte que chaque passage de