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celui de Maurice. Le nouveau Romain commanda ces provinces, toutes pleines des ruines que son aïeul avait faites, et les commanda bravement. Quand la guerre eut éclaté en Italie entre Justinien et les Goths, Bélisaire le réclama pour un de ses lieutenans. En face des Ostrogoths, dont il avait été le vassal, Mundus se fit reconnaître par son audace : il battît une de leurs armées, dégagea la Dalmatie, et enleva la place de Salone, tout cela en quelques semaines ; mais là fut le terme de ses aventures. Pour couronner dignement sa vie, il ne lui manquait plus qu’une mort romanesque, et le sort ne la lui refusa pas. Après la perte de Salone, les Goths n’avaient pas tardé à revenir en force pour reconquérir une position si importante, et le bruit courait qu’ils approchaient de la ville, quand Mundo envoya son fils avec quelques troupes pour les observer. Ce jeune homme, qui sentait dans ses veines les ardeurs de sa race, ne s’en tint pas aux ordres de son père : il osa attaquer l’ennemi, et fit une percée dans ses rangs ; mais enveloppé bientôt par des forces supérieures, il périt avec tous les siens. Mundo, à cette nouvelle, devint comme fou : rassembler tout ce qu’il avait de soldats sous la main et courir où son fils avait péri, ce fut pour lui l’affaire d’un moment. Il arrive, se précipite sur les plus épais bataillons, y jette le trouble, et leur fait rebrousser chemin. Déjà la victoire des Romains n’était plus douteuse quand un Goth, qui passait près de lui en fuyant, s’arrête, le reconnaît, et lui plonge son épée dans le cœur.

Ainsi finit le dernier des Attiliens (ex Attilanis, dit Jornandès)[1] dont on puisse reconstruire la biographie à l’aide des indications de l’histoire. Les Romains, qui aimaient à jouer sur les mots, trouvèrent dans la mort de Mundus une occasion de plaisanterie. On avait découvert dans les oracles sibyllins un vers obscur qui disait que lorsque l’Afrique serait prise, le monde périrait avec sa postérité : Africâ captâ, Mundus cum nato peribit[2]. L’Afrique avait été recouvrée par Bélisaire ; Mundus et Maurice venaient de périr ; l’oracle n’était-il pas accompli ? Quelques superstitieux voulurent bien le croire, la foule n’y vit qu’un jeu de mots qui l’amusa, et ce fut l’oraison funèbre du petit-fils d’Attila devenu Romain.


AMEDEE THIERRY, de l’Institut.

  1. « Attilanis origine descendens. » ( Jornand, R. Get. 17.)
  2. « Tunc Romani in memoriam revocarunt sibyllinum oraculum, quod anteà decantatum prodigii loco habebant. Sic enim illud accipiebant, ut dicerent, post captam Africam, orbem cum sua progenie ad interitum redactum iri. Non erat hæec sententia vaticinii : sed prænuntiatio Africæ redditœ in ditionem romanam ; id sequebatur, tunc Mundum cum filio periturnm. Etcnim bis verbis constabat : Africâ captâ, Mundus cum nato peribit. Et quoniam Mundus latine orbem universum signiflcat, ad orbem praculum referebant. » (Procop, De Bell. Goth, lib. I, cap. 7.)