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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/267

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sur le firmament, qui déroule les nuées à son gré et rend aux horizons leur sérénité troublée par les orages :


« Avec l’empressement qui pousse le coursier vers la cavale, qu’Indra vienne prendre les copieuses libations que le père de famille a versées dans les coupes. Que le grand dieu avide de nos offrandes arrête ici son char magnifique, tout resplendissant d’or et attelé de deux chevaux azurés….. — Il est rapide, il est grand ! Dans les œuvres visibles, sa valeur brille d’un éclat irréprochable… Terrible, couvert d’une cuirasse de fer, enivré de nos libations, il va au milieu de ses sujets, dans le lieu où sont enchaînés les nuages, se jouer du magicien Çouchna[1]….. — Lorsque tu veux faire retirer les ondes et dans chaque partie du ciel restituer à l’air toute sa pureté, alors, ô puissant Indra, dans ton ivresse qui répand sur nous le bonheur, tu frappes Vritra avec courage et tu nous ouvres l’océan des pluies ! »


Voilà Indra sous sa forme complète de dieu de l’éther : Jupiter et quandoque pluit, quandoque serenus ; telle était à peu près l’idée que se faisaient les philosophes et les poètes grecs et romains de l’éther, le premier des dieux, âme universelle tout ignée, pleine de feu, se répandant du ciel sur la terre pour animer la nature, et aussi d’un Jupiter poussant à travers l’espace son char ailé, maître des dieux et vainqueur des élémens. Dans les stances que nous ont léguées les chantres du Rig-Véda, on sent comme un flux et un reflux de l’esprit poétique qui monte vers le dieu, le contemple face à face, le dépeint sous des traits nettement définis, puis tout à coup redescend sur la terre, laisse échapper comme une ombre l’image poursuivie et ne saisit plus que les attributs de sa divinité. Le mythe n’est pas encore tout à fait recouvert par la légende, comme dans le Mahâbhârata, L’image cependant commence à prendre un corps, les puissances de la nature revêtent des formes humaines et héroïques. Cet autre hymne adressé à Indra fera mieux comprendre notre pensée :


« J’apporte mon hommage au dieu magnifique, grande vrai et fort. Telle que le cours de ces torrens qui descendent de la montagne, sa puissance est irrésistible ; il ouvre à tous les êtres le trésor de sa force et de son opulence. — Ah ! sans doute le monde entier se dévoue à ton culte ; ces libations coulent en ton honneur non moins abondantes que des rivières, quand on voit ta foudre d’or, menaçante, meurtrière, s’attacher sans relâche au corps de Vritra, semblable à une montagne. — Pour ce terrible, pour cet adorable Indra, viens, brillante Aurore, préparer les offrandes du sacrifice ; ce dieu fort, puissant, lumineux, il n’est Indra que pour nous soutenir, comme le cheval n’est fait que pour nous porter. — O Indra, trésor d’abondance et de louanges, nous sommes à toi, en toi nous mettons notre confiance. Les hymnes montent vers toi, et nul autre n’en est plus digne. À toi sont nos

  1. Çouchna est l’opposé de Vritra : c’est le démon qui dessèche, la longue sécheresse qui brûle l’herbe des pâturages.