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milliers de lieues l’une de l’autre. J’ai été surpris de la quantité vraiment incroyable de plantes et de fleurs qu’on a déjà pu rassembler, et qui doit être bien considérable, si l’on songe aux proportions gigantesques de ce jardin d’hiver. J’ai remarqué particulièrement de magnifiques palmiers dans la partie égyptienne, et ailleurs des rhododendrons des plus rares et des plus grands.

Après ce cours d’ethnologie et d’histoire naturelle, si l’on veut suivre un cours complet d’archéologie, étudier l’art sous toutes ses formes et à toutes ses époques, depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, le palais de cristal offre un assemblage de ressources vraiment merveilleux. Au prix des plus grands sacrifices d’argent, secondée par d’habiles archéologues et des artistes pleins de goût et de savoir, l’administration a reconstruit et restauré des spécimens fort exacts et des modèles de l’art depuis ses origines et à travers toutes les civilisations. On peut ainsi se promener à son choix dans les salles d’un palais de Ninive, dans l’intérieur d’un temple égyptien, dans la cour des Lions ou les appartemens de l’Alhambra ; ensuite on s’assoira sous un palmier devant les colosses d’Ibsamboul, de cent pieds de hauteur, au milieu d’une avenue de sphinx ; après, on visitera soit une pagode chinoise, soit les sculptures du Parthénon, ou on parcourra la maison de Diomède à Pompéia, restaurée avec une si parfaite exactitude, que l’illusion serait complète, si l’on n’était entouré d’hommes en redingotes et en habits. Ainsi en bien peu de temps on aura une idée assez vraie, non pas seulement de l’art, mais aussi des mœurs et de la vie même des principaux peuples de l’antiquité. Ce qui ajoute beaucoup de prix à ces utiles collections, c’est le scrupule consciencieux avec lequel ces restaurations ont été conduites ; les documens les plus récens et les plus authentiques, ou même les indications fournies par des voyageurs, ont dirigé les artistes qui ont entrepris ces travaux d’un genre si délicat

Mais si ces souvenirs des anciennes civilisations ne se présentent à nous qu’à travers des restaurations qui, quoique consciencieusement exécutées, offrent néanmoins matière à contestation, il n’en est pas de même pour l’art byzantin, pour l’art du moyen âge et pour l’art moderne. Aussi éprouve-t-on, sinon une plus grande curiosité, au moins une plus complète satisfaction, en parcourant les nombreuses salles où l’on a exposé les monumens de ces différentes époques de l’art. D’abord l’art religieux apparaît presque seul, art grossier à l’origine dans l’exécution, mais naïf et plein de foi dans l’expression. Les productions de cette époque sont exclusivement religieuses, tombeaux, statues mortuaires, bas-reliefs d’églises, baptistères, vases sacrés, etc. ; puis on passe à l’art gothique, qui, par ses formes allongées, semble s’élancer à travers les images jusqu’au ciel, comme l’imagination allemande qui l’a engendré ; ensuite on