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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/411

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de ces faits, continua-t-il, mériterait l’attention sérieuse d’un gouvernement voisin et ami ; mais considérés dans leur ensemble, la portée en est irrésistible. L’issue n’en saurait être mise en question. Nous sommes à la veille d’une grande guerre en Orient et peut-être en Occident. La Russie est d’un côté, la Turquie avec les deux grandes puissances maritimes de l’autre. L’Angleterre et la France ne peuvent avoir une politique pour la capitale et une autre pour les provinces, — une politique pour la tête et une autre pour les membres de l’empire turc. Elles se sont déclarées, elles ont donné leur parole ; elles feront franchement et efficacement ce qu’elles ont à faire. C’est assez dire qu’elles ne peuvent voir d’un œil indifférent les mouvemens actuels de la Grèce.

« Quant à la Turquie, il est impossible qu’elle ne comprenne pas que le défaut d’énergie et de promptitude dans la répression de ces mouvemens étendrait le danger à d’autres parties plus vitales de l’empire. Déjà elle a réuni des moyens puissans. Des corps de troupes régulières s’approchent de la frontière, et elle a en réserve 60,000 irréguliers. En Épire, les insurgés, confinés dans le voisinage d’Arta, n’ont pu prendre cette ville. Souli et les districts qui environnent Janina sont au pouvoir des autorités turques. Un corps d’Arnautes et un demi-bataillon de rédifs sont en marche pour grossir une garnison déjà suffisante. Tous ces faits laissent peu d’espoir de succès aux insurgés ; mais qu’ils réussissent ou qu’ils échouent, le résultat ne peut d’aucune façon être avantageux pour votre majesté. À la première apparence de succès, il est à craindre que, si un grand nombre de vos soldats a déjà déserté, des corps considérables n’abandonnent leurs lignes sur la frontière, et que peut-être toute l’armée grecque ne soit en campagne contre une puissance voisine avec laquelle la Grèce est en paix. Il n’est pas nécessaire d’insister sur la gravité d’un tel résultat. Si au contraire les insurgés sont battus, si la rébellion est étouffée, que deviennent leurs alliés hellènes ? Ils ne peuvent rester sur le territoire turc, — ils sont forcés de retomber sur la Grèce. Alors quels périls se présentent ! Ils peuvent être poursuivis au-delà de la frontière, et alors c’est la guerre ouverte avec la Turquie, ou bien, ce qui n’est pas un moindre mal, ils se diviseront en petites bandes de brigands, et voilà la sécurité des propriétés et des personnes compromise pendant des années ; ou bien, ce qui est plus probable, ils descendront en masse. Quatre ou cinq mille hommes marchant sur Athènes, avec un chef aussi peu scrupuleux que le général Théodore Grivas, pourront dicter des conditions humiliantes à votre majesté. Il y a deux moyens de repousser une telle perspective, l’armée et les alliés de votre majesté. L’armée, un ministre de votre majesté m’a dit que dans de telles circonstances on ne pouvait compter sur elle. Les alliés de votre majesté, dans une pareille crise, ne seraient pas infidèles à leur mandat ; mais si jamais votre majesté se trouvait placée dans une situation si difficile, il serait à désirer qu’elle put se présenter à ses alliés avec la conscience d’avoir tout fait pour la prévenir. C’est pour ce motif qu’aujourd’hui, où les paroles peuvent encore être utiles, nous avons pris la liberté de nous adresser à votre majesté avec le désir sincère de nous interposer entre le trône de Grèce et les dangers qui le menacent[1]. »

  1. M. Wyse to the earl of Clarendon. Corresp., no 84.