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alors que, battant des ailes pour aider à ses jambes, elle est forcée, et l’achève d’un coup de bâton sur la tête, car une balle ensanglanterait et souillerait le plumage.

Si ce sont des gazelles, qui souvent, tant elles sont nombreuses, semblent de loin le troupeau d’une tribu, les cavaliers se dirigent vers elles pendant que les serviteurs qui les suivent serrent la gueule aux chiens pour les empêcher de crier. À un quart de lieue de distance, on les lâche en les excitant de la voix : « Mon frère ! mon ami ! elles sont là ! les vois-tu ? » Derrière viennent les chasseurs au petit galop ; mais les gazelles ont pris la fuite, et ce n’est qu’après une course éperdue de deux ou trois lieues que les lévriers entrent dans le troupeau, dont les cavaliers, cette fois lancés à toute bride et dispersés en demi-cercle, font refluer la masse sur les chiens. Chaque slougui a fait choix d’un des plus beaux mâles. Celui-ci bondit, s’élance, revient sur son ennemi, le combat de ses cornes, le franchit d’un saut ; mais bientôt il brame plaintivement et sent ses jambes se raidir. C’est son cri de mort : d’un coup de dent sur la nuque, l’impitoyable lévrier lui brise les vertèbres, et le chasseur arrive, qui le saigne au nom de Dieu ! (bessem Allah !)

Mais la chasse aristocratique et seigneuriale par excellence est la chasse au faucon. Le faucon élevé sous la tente, sur un perchoir auquel il est attaché par une élégante lanière de maroquin, est soigneusement nourri par le chef même et dressé par lui. Son capuchon et son harnachement sont historiés de soie, d’or, de filali, de petites plumes d’autruche. Ses entraves sont brodées et ornées de petits grelots d’argent Aussitôt son éducation achevée par des chasses au leurre, son maître invite ses amis au premier lancer. Tous sont fidèles au rendez-vous, bien montés. Le chef marche en avant un oiseau sur l’épaule, un autre sur le poing garni d’un long gant de peau. « Après un goum partant pour la guerre, rien n’est beau, disait Abd-el-Kader, comme le départ pour une chasse au faucon. » Les Chevaux hennissent et partent en bondissant, les cavaliers se dispersent dans les broussailles, battent les touffes d’alfa ; un lièvre part, le faucon est aussitôt décapuchonné, et son maître lui crie : Ha ou ! ha ou ! (le voici !) L’intelligent oiseau pique une pointe à perte de vue, on croirait qu’il veut trahir (s’échapper) ; mais tout à coup il fond sur sa proie avec la rapidité de l’éclair, il l’étreint dans ses serres et l’étourdit ou même la tue, et lorsque son maître arrive au galop, il le trouve lui dévorant les yeux. Si c’est une houbara (outarde) que les chasseurs ont levée, le faucon la suit dans son vol : elle monte, il monte avec elle ; tous les deux se perdent un moment dans l’espace hors de la vue des chasseurs attend, puis tout à coup on les voit retomber